J’ai déjà eu l’occasion de dire mes réticences face à l’expression de « dérives sectaires », qui avait pour objectif d’éviter le reproche de mettre toutes les « sectes » dans le même sac, mais n’a fait que déplacer le problème. Dès qu’il s’agit de groupes qualifiés de « sectes », le mot de « dérives » a vite fait de surgir. Et pour brouiller encore un peu le sens des mots, l’expression se trouve également appliquée à des discours peut-être problématiques, mais qui n’ont rien à voir avec des « sectes ». La pandémie qui a dominé l’actualité depuis quelques mois me donne l’occasion de revenir brièvement sur ce thème et de souligner le pouvoir des stéréotypes quand les médias parlent de sectes, mais aussi de partager quelques observations sur l’attitude de mouvements religieux face au coronavirus.
Un écrivain suisse sur les traces de l’Ordre du Temple Solaire
Petit mouvement peu connu, l’Ordre du Temple Solaire a soudain attiré l’attention des médias et du grand public à la suite des événements dramatiques d’octobre 1994, avec la mort de 53 personnes, puis de nouveaux « transits » en 1995 et 1997. Plus de vingt ans après, cette affaire continue de paraître nimbée de mystère, malgré les enquêtes de police au Québec, en Suisse et en France. Les événements ont revêtu un caractère si peu commun qu’il reste plus d’une interrogation. Comme je le rappelais dans un article publié sur ce site il y a quelques années, l’essentiel du déroulement et des causes probables du tragique dénouement me semble avoir été établi avec un degré de vraisemblance élevé, sur des bases documentées ; mais la disparition des principaux protagonistes et l’absence de témoin direct vivant des derniers moments cruciaux laisse inévitablement des zones d’ombre.
Rien d’étonnant si une affaire conserve donc son pouvoir d’intriguer et de soulever des questions, voire des fantasmes : il ne manque pas de gens, aujourd’hui encore, pour douter des conclusions officielles et soupçonner d’autres dimensions non élucidées. Comme je l’écrivais il y a vingt ans, Jo Di Mambro et ses associés rêvaient de laisser derrière eux une légende, et ils n’ont pas entièrement échoué, même si cette légende est plus sinistre que l’altier départ de purs « chevaliers » qu’ils avaient entendu mettre en scène. La vie et la mort de l’OTS inspirent des articles, des films, des livres. Le dernier est à l’origine de cet article : un roman (mais en est-ce vraiment un?) de Julien Sansonnens, L’Enfant aux étoiles (Éditions de l’Aire, 2018).
Les États européens et les “sectes”
Alors que je viens de mettre en ligne, sur la section anglaise du site Religioscope (qui vient de passer à une nouvelle présentation), un assez long article en anglais, intitulé « A brief overview of the attitudes of Western European states towards new religious movements » (texte également disponible au format PDF, pour les lecteurs qui désirent l’imprimer ou le conserver sous forme électronique), il m’a semblé opportun de publier simultanément le texte de l’intervention que j’avais été invité à présenter à l’Académie des sciences morales et politiques lors de sa séance du 11 mai 2015 (avec de mineures adaptations). S’il y a plusieurs recoupements avec le plus long article en anglais, ce texte n’est pas identique — et il pourra intéresser des lecteurs qui préfèrent lire un article en français. L’approche de cet article se limite aux États de l’Europe occidentale.
“Les sectes”, questions de vocabulaire
En ce mois qui marque le vingtième anniversaire de la découverte du premier “transit” de l’Ordre du Temple Solaire (OTS), avec son mélange de suicides et de meurtres, la presse s’y intéresse, rappelle l’événement et se demande si un tel drame pourrait se reproduire. Plusieurs articles et reportages offrent une information nuancée. Mais d’autres propos donnent le sentiment que la perception du sujet n’a que peu évolué depuis 1994, malgré l’essor important des recherches sur les mouvements religieux et parareligieux contemporains. Quelques réflexions critiques sur un problème de vocabulaire, précédées d’un rappel sur les motivations d’un chercheur, dont le regard ne s’oriente pas toujours vers les sujets qui intéressent prioritairement les médias.
L’évolution des nouveaux mouvements religieux : réflexions à l’occasion du décès de Sun Myung Moon
Le Rév. Sun Myung Moon (1920–2012), fondateur de l’Église de l’unification, est décédé le 3 septembre (1h54 heure coréenne, donc encore le 2 septembre à l’heure européenne). Avec lui disparaît une figure peu commune de fondateur d’un mouvement religieux coréen, parvenu — contre toute attente — à s’implanter sur tous les continents et à convaincre par son message des hommes et des femmes du monde entier. Même si les estimations statistiques varient beaucoup, il y a probablement aujourd’hui, dans le monde, un peu plus de 500.000 fidèles qui se considèrent comme unificationnistes, selon George Chryssides, un chercheur britannique qui connaît bien le mouvement (The Telegraph, mis en ligne le 3 septembre 2012). En outre, l’Église de l’unification a développé des activités dans des champs très variés : économie, culture, médias, politique, dialogue interreligieux…
J’aurai l’occasion, dans d’autres textes, de revenir sur la figure de Sun Myung Moon et sur le mouvement qui lui doit son existence. Mais le passage du Rév. Moon dans le monde spirituel est aussi l’occasion de réfléchir à l’évolution de la scène des nouveaux mouvements religieux au cours des quarante dernières années. Ces derniers jours, plusieurs chercheurs ont abordé ce sujet, notamment Eileen Barker dans un texte publié par CNN (3 septembre 2012). Des journalistes ont également été attentifs à cette dimension, comme Aude-May Cochand, qui m’a interrogé à ce propos dans le quotidien fribourgeois La Liberté (5 septembre 2012).