Depuis des années déjà, la communauté musulmane de Singapour a mis sur pied des structures très bien organisées pour accueillir et guider les personnes souhaitant se convertir à l’Islam. Sur la base d’un groupe plus informel apparu quelques années plus tôt, il existe depuis 1979 une Muslim Converts’ Association of Singapore (MCAS), également connue sous le nom de Darul Arqam. Cette association dispose d’une équipe de permanents et d’un immeuble pour abriter ses activités. Je vous propose de la découvrir dans ce bref article.
La question des conversions occupe depuis longtemps une place dans mes recherches, puisque celles-ci ont d’abord porté sur de nouveaux mouvements religieux, principalement formés de convertis. Je me suis également intéressé au phénomène des conversions dans plusieurs traditions religieuse, notamment l’Islam. En 2005, j’avais entamé une recherche — que j’espère reprendre un jour — sur les conversions à l’islam en Suisse (il y a eu, depuis, un travail plus important, mais pas encore publié, mené à ce sujet par Susanne Leuenberger, à l’Université de Berne). En 2007, lors d’un passage à Singapour, j’avais donc décidé de rendre visite à la MCAS. Mon intention était de préparer un article à ce sujet pour le site Religioscope. Cet article n’a finalement jamais vu le jour, remis à plus tard par d’autres travaux. Or, la semaine dernière, en classant des documents, j’ai retrouvé mes notes prises à Singapour en décembre 2007 lors de ma visite à Darul Arqam. Je me suis dit qu’il était dommage de n’en avoir jamais fait usage : je les résume donc ci-dessous, sans essayer de les mettre à jour, sauf pour quelques informations statistiques. Le site de l’association permettra aux lecteurs intéressés de découvrir comment ses activités se poursuivent aujourd’hui.
À Singapour, l’État prête une grande attention à la présence et à l’action des religions. Il souhaite avoir des partenaires avec lesquels coopérer pour “maintenir l’harmonie religieuse” dans cette société multireligieuse et multiraciale. Cela a certainement contribué au développement et au rôle du Majlis Ugama Islam Singapura (MUIS), en anglais Islamic Religious Council of Singapore, qui est également à conseiller le président de Singapour sur les questions relatives à l’islam. Le MUIS a été constitué en 1968 : sous son égide sont actives des organisations musulmanes spécialisées, parmi lesquels Darul Arqam. Ce nom de “maison d’Arqam” évoque le nom d’un des premiers convertis à l’Islam, à l’époque du prophète Muhammad, qui avait fait de sa maison un centre d’instruction islamique et de propagation de cette religion.
La préoccupation pour la question des musulmans convertis se fit jour à Singapour dans les années 1970, m’expliquaient en 2007 mes interlocuteurs. Il s’agissait en particulier de répondre aux problèmes sociaux que rencontraient des convertis d’origine chinoise : selon les responsables de Darul Arqam, les convertis d’origine bouddhiste font face aux plus grands problèmes, notamment dans le cadre familial. Ainsi se forma un “groupe des nouveaux frères”, avec une modeste maison mise à leur disposition par le MUIS pour mener leurs activités. La naissance de la MCAS vint renforcer et mieux structurer ces efforts.
En 1982, la MCAS réussit à recueillir des fonds pour acheter un terrain en vue de la construction d’un centre. En attendant de disposer de l’argent nécessaire, elle loua des espaces administratifs dans différents lieux de la ville. Finalement, en 1995, la MCAS eut l’occasion de réaliser un important bénéfice en vendant son terrain à un promoteur immobilier. L’association acheta alors pour 21 millions de dollars singapouriens un ancien cinéma, le Galaxy, qu’elle rénova et transforma complètement (coût : 32 millions) et put inaugurer en 1997.
Les activités de la MCAS sont aujourd’hui financées par des dons et par la location de bureaux qu’elle possède dans la ville, comme on peut le voir à la lecture des rapports financiers qu’elle publie et met en ligne chaque année. La MCAS employait, en 2007, 31 collaborateurs, appuyés par des volontaires. Tout cela a permis de développer une activité régulière de prédication de l’Islam.
Contrairement à ce qui se passe dans des pays occidentaux, où les conversions se réalisent de façon dispersée et sans vue d’ensemble, la plupart des convertis à Singapour passent par la MCAS, qui est la seule à jouir d’un statut officiel et a été désignée par le MUIS en 2005 comme One-Stop Center for Converts. La MCAS coopère notamment avec des organisations pour convertis en Malaisie. Il existe un Regional Islamic Da’wah Council of Southeast Asia and the Pacific (RISEAP).
La MCAS les fait bénéficier de différents services,à commencer par une carte de conversion et un “kit de conversion”. Le “kit du converti” est une sacoche contenant un Coran, un CD pour apprendre la prière, un couvre-chef : les accessoires de base utiles au parfait musulman!. Il est remis à l’issue de la déclaration de conversion, qui se déroule dans une petite pièce destinée à cet usage.
La MCAS assure aussi le remboursement des frais de transport, de circoncision et d’ajout du nom musulman sur la carte d’identité pour les personnes de nationalité singapourienne. Des cours pour convertis sont proposés avant et après la conversion. Des conseils peuvent être donnés aux convertis, par exemple pour les relations avec leur famille non musulmane, mais aussi pour résoudre les problèmes liés à des mariages interculturels. Une assistance financière leur est accordée en cas de nécessité.
Selon les responsables de la MCAS, une part importante des convertis seraient d’origine chinoise ou d’autres pays asiatiques : la plupart viennent à l’Islam par mariage. La majorité des convertis sont des femmes, notamment venues des Philippines. Les convertis attirés par l’islam avant tout par suite d’une recherche spirituelle formaient une minorité, en tout cas à l’époque de ma visite de 2007 : il y en avait cependant plusieurs chaque mois. Outre les Chinois, il y a également des convertis hindous et catholiques eurasiens. En revanche, il n’y aurait guère de convertis issus du protestantisme.
En décembre 2007, la MCAS comptabilisait 535 convertis pour l’année. Cela marquait une augmentation par rapport aux années précédentes (300 à 400 par an). Selon les statistiques publiées dans le rapport 2012 (que l’on peut télécharger sur le site du MCAS, ainsi que ceux des deux années précédentes), le nombre annuel de convertis a continué d’augmenter : 629 en 2010, 622 en 2011 et 689 en 2012.
Darul Arqam a une activité de publication de textes et d’organisation de conférences publiques. Le cours d’orientation initial dure une journée. Le cours pour débutant est étalé sur dix semaines, à raison d’une réunion hebdomadaire d’une heure et demie. Durant ces cours, les enseignants s’efforcent de développer l’intérêt des auditeurs pour l’islam.
Il existait en 2007 un total de 68 mosquées à Singapour : dans dix d’entre elles, le prêche du vendredi était donné en anglais, m’avaient indiqué les responsables de Darul Arqam. C’est un aspect important pour les convertis, qui doivent trouver des lieux de culte où ils puissent comprendre les messages adressés aux fidèles. L’un des problèmes de l’islam à Singapour pour se diffuser est qu’il tend à être associé par le reste de la population à une appartenance ethnique.
Selon les données religieuses du recensement 2010 (téléchargeables au format PDF, 3,6 Mo), 14,7% de la population singapourienne était musulmane en 2010 (14,9% en 2000): un peu plus de 450.000 personnes sur une population de 3,1 millions ; plus de 400.000 musulmans étaient nés à Singapour. 98,7% des Malais étaient musulmans et 21,7% des Indiens, mais seulement 0,4% des Chinois (8.332 personnes).
Les recherches de Chee Kiong Tong sur les conversions à Singapour mettent en évidence que ce sont surtout les chrétiens (dès les années 1950) et les bouddhistes (dès les années 1990, principalement au détriment des taoïstes) qui ont été les bénéficiaires de conversions, tandis que seul un petit pourcentage de musulmans est né dans une autre religion ; en sens inverse, on voit peu de conversions de musulmans à d’autres religions, même si les efforts d’évangélisation de certains groupes ont pu parfois susciter des craintes ; ethniquement, c’est dans la population chinoise qu’on trouve le plus de convertis aux différentes religions (Rationalizing Religion : Religious Conversion, Revivalism and Competition in Singapore Society, Leyde, Brill, 2007, chap. 3).
La mise sur pied d’une structure telle que Darul Arqam ne répond donc pas à un afflux inhabituel de convertis à l’Islam, mais reflète plutôt le haut degré d’organisation de la communauté musulmane de ce petit État dynamique.
Quand le Maintenance of Religious Harmony Act a été adopté à Singapour en 1990, il répondait notamment à des inquiétudes de voir un prosélytisme trop intensif de certains groupes religieuxcauser des frictions interreligieuses (Tey Tsun gang, “Excluding Religion from Politics and Enforcing Religious Harmony — Singapore Style”, Singapore Journal of Legal Studies, 2008, pp. 118–142). Du point de vue des autorités, l’existence d’une organisation reconnue par l’Islam officiel à Singapour et ayant pignon sur rue pour s’occuper de la propagande religieuse et des conversions offre sans doute des garanties appréciables.
taieb mohamed dit
a salam alaikoum ‚je m’appelle mohamed et j’ai ma fille se trouve a singapour, et elle cherche un stage dans votre beau pays merci j’attends votre reponse que dieu vous benisse salam alaikoum
Jean-Francois Mayer dit
Ce site ne se trouve pas à Singapour, mais en Europe. Je ne suis pas en mesure de répondre à de telles demandes. Puisque votre fille se trouve à Singapour, je lui suggère de prendre elle-même directement contact avec des associations locales qui pourront éventuellement lui fournir des informations utiles.