Depuis une trentaine d’années existe en France une petite association intéressée par le développement de mouvements religieux contemporains. Sous la persévérante direction de l’historien Bernard Blandre, elle a déjà publié quelque 350 numéros d’un bulletin intitulé Mouvements religieux. Je prends un plaisir particulier à parcourir chaque numéro de son supplément, qui répertorie, sur des pages entières, les listes chronologiques de déclarations d’associations ayant un lien avec la religion, telles qu’elles sont publiées dans le Journal officiel de la République française.
Selon le droit français, pour avoir la capacité juridique, une association doit être déclarée à la préfecture ou à la sous-préfecture du lieu où elle a été fondée, et l’annonce de sa création doit être publiée dans le Journal officiel.
Lecture qui pourrait sembler au premier abord plutôt austère, le dépouillement du Journal Officiel pour en extraire les créations de nouvelles associations religieuses réserve toujours des découvertes.
Dans le dernier numéro reçu, je découvre des associations dont les dénominations démontrent une inépuisable créativité : à Dunkerque est ainsi née l’association “Univers des Devas”, dont les membres s’intéressent au magnétisme, à la recherche de leur karma, à la thérapie par les pierres et à nombre d’autres choses encore. Parmi les autres groupes , je relève le Sadhana Yoga, le Shala Yoga, la Pierre de Louxor, Tao Energie, le Secret des Oracles, la Grande Loge de la Lumière d’Egypte, Namasmarana, Sable et Méditation, le Souverain Grand Conseil des Sublimes Princes du Royal Secret, et j’en passe bien d’autres.
Les bouddhistes sont présents à l’appel, qu’il s’agisse d’associations tibétaines ou de moines missionnaires laotiens. Les associations musulmanes ne manquent pas non plus, tandis que des hindous viennent pimenter le paysage.
Le christianisme n’est pas en reste — ni en panne d’imagination pour baptiser les associations de noms qui font rêver. L’Eglise Evangélique du Réveil et de la Louange reste encore dans un style d’appellation assez classique. Mais je découvre aussi l’existence de l’Eglise Sion de l’Eternel, ou du Ministère des Mystères et des Merveilles de l’Evangile, ou encore de l’International Ministère des Appelés pour la Gloire de l’Eternel.
Une mention spéciale pour l’association Le Retour des Exilés du Jardin d’Eden, qui promeut la musique, la danse, le sport, le végétarisme et les études bibliques.
Depuis une dizaine d’années, nous voyons enfin se multiplier en France des Eglises d’origine africaine, aux noms souvent évocateurs, par exemple les communautés locales toujours plus nombreuses de l’Eglise du Christianisme Céleste, qui provient de l’Afrique occidentale, et dont les paroisses portent des noms tels que “Saint Père Ordonné du Ciel”.
Mois après mois, le Journal Officiel prend ainsi une étonnante saveur poétique. Mais surtout, souvenons-nous que, derrière chacune de ces associations, il y a des groupes d’hommes et de femmes, convaincus par un message, trouvant dans celui-ci des réponses et désireux de les partager. Si notre monde est à bien des égards sécularisé, les quêtes spirituelles y sont toujours florissantes et de plus en plus chatoyantes.
Ce texte s’insère dans une série de brèves chroniques que je présente toutes les deux ou trois semainessur les ondes de la Radio suisse romande dans le cadre de l’émission Hautes Fréquences. Il a été diffusé lors de l’émission du 7 février 2010. C’est la dernière de ces chroniques que mon père (entré à l’hôpital le 12 février et décédé le 22 février — voir l’article précédent) a pu entendre : il y avait pris du plaisir. Tout naturellement, elle est donc dédiée à sa mémoire, en ce jour du 12 mars, qui aurait été celui de son anniversaire.
L’article ci-dessus se fonde sur la lecture du supplément N° 346–347 (mars-avril 2009, parution effective janvier 2010) du bulletin Mouvements religieux, publié par l’Association d’étude et d’information sur les mouvements religieux (AEIMR, B.P. 70733, 57207 Sarreguemines Cedex, France).
[…] Nous aurons l’occasion de parler à nouveau de Bernard Blandre et de la revue AEIMR ici, en attendant, on pourra aussi lire ce qu’en dit Jean-François Mayer. […]