La localité de Belp, près de Berne, n’est pas seulement le site d’un aéroport : à côté de la paroisse catholique, de la paroisse réformée et de plusieurs groupes évangéliques, elle accueille depuis quelque temps un bâtiment à l’architecture moins coutumière : la belle église de la communauté orthodoxe serbe de Berne. L’intérieur de cet édifice est encore en cours d’aménagement, mais les services liturgiques y sont célébrés chaque semaine depuis juin 2009, en attendant la consécration du bâtiment quand les fresques seront achevées. Une communauté orthodoxe serbe existe à Berne depuis 1969 et, durant quarante ans, a reçu l’hospitalité de la paroisse catholique-chrétienne (vieille-catholique) de cette ville.
Un grande différence avec les paroisses réformée et catholique de Belp : la nouvelle église serbe ne se trouve pas au centre du village, mais dans une zone industrielle en développement, entre un immeuble administratif et un vaste hangar. Elle n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas, parmi les communautés religieuses apparues en Suisse, au cours des dernières décennies, dans le sillage de populations d’immigrants. Ainsi, le pittoresque temple bouddhiste thaïlandais de Gretzenbach, dans le canton de Soleure, a pour arrière-plan l’énorme tour de réfrigération de la centrale nucléaire de Gösgen.
Pourquoi ces nouvelles communautés se retrouvent-elles parfois dans des banlieues industrielles, ou à la campagne ? D’abord, parce que les terrains en pleine ville coûtent cher et qu’elles sont rarement riches. Ensuite, parce qu’un tel emplacement réduit le nombre d’oppositions, à commencer par celles de futurs voisins qui craindraient le claquement des portières des voitures des fidèles le dimanche matin ou les jours de fête. En outre, beaucoup de fidèles se déplacent en voiture, veulent trouver des places de parc à proximité et peuvent facilement sortir des villes. Toute communauté religieuse désireuse de construire un lieu de culte peut témoigner des obstacles à surmonter pour trouver un terrain adéquat.
Le centre de recherche du séminaire de science des religions de l’Université de Lucerne avait publié en 2009 une instructive carte accompagnée de photographies et textes pour présenter 18 édifices de communautés religieuses issues d’une importation à l’époque contemporaine. Intitulé Coupole – Temple – Minaret, ce travail sur les “édifices religieux de religions immigrées en Suisse” est également accessible sur Internet, avec des informations détaillées sur chaque site présenté. Il semble appelé à être enrichi, puisque des notices sont déjà annoncées sur l’église serbe de Berne évoquée au début de ce billet et sur l’église orthodoxe macédonienne Saint Naum d’Ohrid, inaugurée en septembre 2010 à Triengen, dans le canton de Lucerne.
Temple sikh ou mormon, église orthodoxe ou mosquée, la caractéristique commune de chacun de ces bâtiments est d’être visible : des signes extérieurs le désignent comme un lieu de culte – que celui-ci ait été construit spécifiquement à l’usage de la communauté, ou qu’un élément rajouté signale la transformation d’un ancien local commercial ou industriel, comme dans le cas du petit minaret décoratif posé sur le toit de la salle de prière turque de Wangen. Et l’on sait combien cette visibilité de nouvelles composantes religieuses dans une société peut soulever des préoccupations : l’étonnant vote sur les minarets en Suisse en novembre 2009 l’a bien illustré.
Il y a une dizaine d’années, à Londres, j’avais visité l’impressionnant temple hindou en marbre blanc bâti à l’initiative du mouvement Swaminarayan à Neasden. J’avais regardé une vidéo racontant la construction du temple. Dans un passage de celle-ci, j’avais relevé un commentaire qui disait à peu près : “Il y a des siècles, dans ce pays, des gens construisaient des églises qui se dressent toujours dans le paysage. Aujourd’hui, nous construisons un temple qui, lui aussi, sera toujours là dans plusieurs siècles.”
À travers ces signes extérieurs, chacun de ces lieux annonce ainsi au passant que notre environnement religieux se diversifie et que les communautés religieuses issues de l’immigration s’inscrivent maintenant de façon durable dans le paysage européen, même si c’est souvent encore à la périphérie des villes plutôt qu’en leur cœur.
Une version plus courte de ce billet avait été présentée en 2009 dans le cadre d’une chronique que je présente sur les ondes de la Radio suisse romande, dans le cadre de l’émission d’actualité et de réflexion religieuse Hautes Fréquences.