Le texte ci-dessous a été écrit sur un ton amusé en février 2020, à mon retour d’un beau voyage culturel en Jordanie. À l’heure du confinement et du gel des voyages, en ce mois de mars, il nous rappelle ce temps si proche de mobilité presque illimitée, alors que nous ne comprenions pas encore ce qui allait se produire à peine un mois plus tard, malgré les nuages pandémiques qui montaient à l’horizon. Heureux temps où le seul souci était de réussir à expédier quelques cartes de voyage !
Au fil de mes voyages, j’ai souvent trouvé le temps d’envoyer quelques cartes postales — même si elles se font beaucoup moins nombreuses depuis une quinzaine d’années, au fur et à mesure que le courrier électronique et les réseaux sociaux permettent de partager des nouvelles par d’autres canaux.
La plupart du temps, elles sont arrivées à destination, en prenant parfois beaucoup de temps : celles que j’avais expédiées de l’aéroport de Mexico atteignirent l’Europe après deux mois. Dans de rares cas, toutes les cartes se sont perdues corps et biens : un paquet de cartes affranchies imprudemment confiées à un employé d’aéroport indien il y a vingt ans, ou ces cartes écrites à Skopje, il y une douzaine d’années, et que je fis l’erreur de remettre au guichet de la poste en payant les timbres, mais sans les affranchir moi-même…
Ce qui s’est passé en Jordanie relève d’un genre différent : l’impossibilité de poster mes cartes.
La veille de mon départ, j’arrivai devant le bureau de poste de Madaba, au sud-ouest d’Amman, vers 14h30. J’eus la surprise de trouver les portes closes… et d’apprendre qu’il fermait à 13h.
Je n’avais pas encore des timbres-poste. Je me dis que j’allais en acheter pour apporter le lendemain matin les cartes déjà affranchies à l’aéroport. Après quelques efforts, je trouvai un commerce en mesure de me vendre des timbres. Le soir, dans ma chambre, je les collai soigneusement sur chaque carte. Je pris aussi la peine de vérifier sur Internet les informations au sujet de l’aéroport d’Amman, pour y trouver la confirmation qu’un office postal était ouvert dans chaque terminal.
À peine arrivé à l’aéroport, vers 7h15, je m’enquis de l’emplacement du bureau de poste le plus proche. Des employés au guichet du service d’assistance m’expliquèrent qu’il fallait franchir le premier contrôle de sécurité et que je trouverais ensuite ce que je cherchais, après avoir enregistré ma valise.
Ce que je fis. Une fois mon bagage enregistré, je demandai à l’aimable hôtesse où se trouvait le bureau de poste. « À l’étage inférieur, au niveau des départs », m’apprit-elle : j’aurais dû m’y rendre avant de passer le premier contrôle de sécurité.
Peu importe : je n’étais pas en retard, je rebroussai donc chemin en expliquant la situation aux agents de sécurité et je descendis au niveau inférieur. À l’entrée, un chauffeur en quête de clients crut avoir trouvé un candidat ; quand je lui expliquai ce que je cherchais, il me dit que le bureau de poste avait fermé ses portes. Un peu incrédule, je décidai d’aller voir moi-même.
Je vis apparaître un panneau Jordan Post, mais pour découvrir aussitôt que mon interlocuteur m’avait dit vrai : des guichets désertés, à côté de rangées de dizaines de boîtes postales dont certaines n’avaient plus de serrure et étaient béantes. Aucune boîte aux lettres en vue.
Je remontai à l’étage supérieur et me rendis à nouveau au guichet d’assistance pour les passagers. Il était 7h55. Les employés m’expliquèrent que je devais simplement patienter et que le bureau de poste ouvrirait à 8h. Je leur répondis que, après visite des lieux, je ne pouvais imaginer une soudaine résurrection de ce bureau désert et abandonné dans quelques minutes seulement. Ils me conseillèrent donc d’interroger le responsable de l’assistance aux passagers, vêtu d’un gilet jaune, en train de fumer une cigarette devant le bâtiment.
Je sortis et m’adressai à lui. Il me confirma que le bureau de poste avait fermé définitivement ses portes et qu’il n’y avait pas la moindre boîte aux lettres dans l’aéroport. Mais il me redonna aussitôt espoir : il me suffirait de franchir à nouveau le premier contrôle de sécurité, puis le contrôle des passeports, puis le second contrôle de sécurité, et de tourner ensuite à gauche pour atteindre un kiosque à journaux WH Smith mettant une boîte aux lettres à disposition des passagers dans la zone d’embarquement. « Vous verrez, c’est une boîte sur laquelle il est marqué Mailbox. »
Je fis comme indiqué et, une bonne quinzaine de minutes plus tard, je me trouvai devant le kiosque. Pas trace de la moindre boîte. Je m’adressai au vendeur, qui me répondit : « C’est vrai, c’est un service que nous offrions, mais nous ne le faisons plus. » Et que faire de mes cartes postales ? Il ne me proposa pas de les lui confier, ce qui était d’ailleurs peut-être mieux : il me confirma qu’il était impossible d’envoyer quoi que ce soit par la poste depuis l’aéroport d’Amman.
Un aéroport sans poste, sans même une boîte aux lettres : je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu cela. Et c’est ainsi que je rentrai en Suisse avec mes cartes postales dans mon sac.
À part cela, je confirme que la Jordanie est un beau pays, avec de riches sites historiques et de beaux sites naturels, et que la population y est aimable et accueillante. Je recommande la visite, dès que les voyages redeviendront possibles — mais je ne garantis rien pour les services postaux !