Cette semaine, j’ai participé à l’enregistrement d’une émission hebdomadaire de la Télévision suisse romande, Faut pas croire, qui, autour de la candidature de Mitt Romney et de son écho dans les “primaires” du Parti républicain, traitera du facteur religieux dans les élections américaines et des réactions face à un candidat qui ne cache pas sa foi mormone – tout récemment encore, la divulgation de sa déclaration fiscale a mis en évidence sa générosité envers son Église.
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours compterait aujourd’hui quelque 14 millions de fidèles, selon ses statistiques officielles. 57% de ceux-ci vivent en dehors des États-Unis : en effet, depuis le milieu des années 1990, les mormons non américains sont devenus la majorité, ce qui témoigne aussi du dynamisme missionnaire du mouvement. Au 19ème siècle, les nouveaux convertis étaient encouragés à émigrer vers l’Amérique ; aujourd’hui, ils sont au contraire encouragés à construire l’Église dans leur pays. L’Utah reste cependant le cœur du mouvement, comme ont pu le constater tous ceux qui ont visité Salt Lake City ou d’autres localités de cet État : le grand centre administratif de l’Église et le temple mormon marquent le paysage. Il y existe une dynamique culture mormone, qui marque même des gens qui n’ont plus guère de pratique religieuse : comme me le faisait remarquer un jour un chercheur turc résidant à Salt Lake City, y être mormon est très différent de ce que signifie l’appartenance à cette Église dans d’autres parties du monde ; en Utah, cela n’est pas sans analogie avec l’appartenance à un groupe ethnique.
Pour les observateurs des phénomènes religieux, le mormonisme est un sujet passionnant : par son histoire, par sa créativité doctrinale, mais aussi par le complexe rapport qu’il entretient avec ses sources chrétiennes. Du point de vue des mormons eux-mêmes, leur Église est le rétablissement du christianisme dans sa forme la plus authentique. Les Églises chrétiennes historiques, en revanche, ne sont pas de cet avis. Or, il est intéressant de constater que la position du mormonisme par rapport aux modèles dominants du christianisme n’est pas figée : autant que l’évolution du mouvement lui-même, cela illustre probablement la force d’attraction, notamment dans un environnement tel que celui des États-Unis, d’un modèle chrétien. Et cela a des répercussions jusque sur le débat politique autour d’un candidat mormon, comme on le voit.