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Histoire religieuse : Hyacinthe Loyson et l’Église catholique gallicane (1879–1893)

12 novembre 2017 par Jean-Francois Mayer

Le visiteur qui se dirige vers la salle de lecture de la Bibliothèque publique et universitaire de Genève (BPU) passe devant le buste de Hyacinthe Loyson (1827–1912). Peut-être ne lui accorde-t-il qu’une attention distraite ou ignore-t-il que le Père Hyacinthe, comme on l’appelait aussi, a joué un rôle dans les turbulences politico-religieuses de la vie genevoise des trente dernières années du XIXe siècle. Le personnage a aussi été l’une des figures d’une tentative à l’impact plus modeste, en France, pour établir une Église catholique indépendante de Rome. C’est à cet épisode que s’intéresse l’article publié ici. Avant d’expliquer dans quel cadre il a été préparé, il faut rappeler brièvement l’itinéraire de Hyacinthe Loyson.

L’ouvrage classique sur la vie du Père Hyacinthe est la biographie en trois volumes publiée il y a presque un siècle par Albert Houtin : Le Père Hyacinthe dans l’Église romaine (1827–1869), Paris, Librairie Émile Nourry, 1920 ; Le Père Hyacinthe, réformateur catholique (1869–1893), Paris, Librairie Émile Nourry, 1922 ; Le Père Hyacinthe, prêtre solitaire (1893–1912), Paris, Librairie Émile Nourry, 1924.

Mais pour la résumer ici, je vais m’appuyer sur le panorama biographique qu’avait établi Lucienne Portier (1894–1996) en introduction à un dossier sur le sujet (Christianisme, Églises et Religions. Le dossier Hyacinthe Loyson (1827–1912). Contribution à l’histoire de l’Église de France et à l’histoire des religions, Louvain-la-Neuve, Centre d’Histoire des Religions, 1982). J’avais rencontré Lucienne Portier il y a bien longtemps, alors que j’étais encore étudiant. Cette charmante vieille dame (elle avait publié son premier livre en 1937…), cultivée et intimement passionnée par le sujet ‚m’avait accueilli avec gentillesse. Spécialiste de littérature italienne et professeur honoraire à la Sorbonne. Mais ses intérêts de jeunesse pour la crise moderniste l’avaient conduite, alors retraitée, à se pencher à nouveau sur cette période, et notamment sur la figure de Loyson. Son texte intitulé « La vie aventureuse du Père Hyacinthe Loyson » constitue l’introduction de son livre (pp. 9–36).

Né le 10 mai 1827 à Orléans, Hyacinthe Loyson entra en 1845 au séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Ordonné prêtre en 1851, il quitta la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice en 1856, tenta un noviciat chez les dominicains en 1858 et se tourna vers les carmes en 1859. Il devint prédicateur connu et supérieur du Carmel de Paris, mais connu pour ses tendances libérales, ce qui lui valait l’admiration de certains milieux, mais aussi des plaintes et dénonciations. Il prêcha cependant à Rome en 1865 et 1868, et y fut apprécié. Mais son évolution personnelle le conduisit à des prises de position de plus en plus critiquées, et à quitter l’Ordre des carmes en septembre 1869, adressant au Supérieur de l’Ordre une lettre dans laquelle il déclarait élever sa

« protestation de chrétien et de prêtre contre ces doctrines et ces pratiques qui se nomment romaines, mais qui ne sont pas chrétiennes, et qui, dans leurs envahissements, toujours plus audacieux et plus funestes, tendent à changer la constitution de l’Église, le fond comme la forme de l’enseignement, et jusqu’à l’esprit de sa piété. Je proteste contre le divorce impie autant qu’insensé qu’on s’efforce d’accomplir entre l’Église, qui est notre mère selon l’éternité, et la société du dix-neuvième siècle, dont nous les fils selon les temps […]. » (cité par Houtin, 1920, pp. 321–322)

Frappé d’excommunication, Loyson rejeta le concile Vatican I et la proclamtion de l’infaillibilité pontificale. Il se joignit au mouvement catholique libéral dit « vieux-catholique » et participa au congrès vieux-catholique de Munich à l’automne 1871, où il célébra à nouveau la messe pour la première fois depuis deux ans.

En outre, Loyson se maria en 1872 avec une journaliste américaine, veuve, Émilie Meriman (1833–1909), qu’il avait rencontrée pour la première fois en 1867 et convertie au catholicisme l’année suivante. Elle admirait Loyson, mais exerça également sur lui une forte influence.

Après une brève tentative d’ouverture d’un culte vieux-catholique à Paris, Loyson répondit à l’invitation des catholiques libéraux de Genève et s’installa dans cette ville en 1873, devenant pour un temps la figure de proue de l’Église catholique nationale, qui s’intégra à l’Église catholique-chrétienne de la Suisse (la désignation « catholique-chrétienne » représentant l’appellation suisse du mouvement vieux-catholique). Mais, opposé à certaines orientations, il en démissionna en août 1874, en déclarant — dans une formule souvent citée —que l’œuvre genevoise genevois n’était « ni libérale en politique, ni catholique en religion ». Il célébra un « culte catholique libre » à Genève de 1874 à 1876. Cela ne l’empêcha pas de reprendre, par la suite, des collaborations avec le mouvement catholique chrétien à Genève. (Sur l’Église catholique-chrétienne de Genève, on peut lire l’ouvrage récent et très documenté de Sarah Scholl, livre issu de sa thèse de doctorat en histoire : En quête d’une modernité religieuse : la création de l’Église catholique-chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870–1907), Neuchâtel, Éditions Alphil — Presses Universitaires Suisses, 2014.)

À partir de 1878, Loyson s’employa à établir un culte « catholique gallican » à Paris. Cet épisode est exposé et analysé dans le texte qu’on lira ci-après. De moins en moins convaincu par cette entreprise, Loyson prit sa liberté en 1893. Il se vit de plus en plus comme un solitaire annonciateur d’une « Église de l’avenir ». Il voyagea en Algérie, au Proche-Orient, toujours avec son épouse, et s’intéressa à l’islam et au dialogue entre les religions. Lucienne Portier évoque sa « quête incessante d’universalisme religieux » (p. 31). Elle cite ces lignes qu’il écrivit en 1904 et qu’on peut lire sur son monument funéraire au cimetière du Père Lachaise :

« Mon âme habite des régions si hautes que je peux me sentir à la fois catholique et protestant, juif et même musulman. Les diverses formes religieuses sont diversement belles, aucune n’est absolument vraie : sous leurs formes différentes se retrouve, uniquement, la foi en un Dieu personnel et vivant. » (p. 36)

Comme le note Lucienne Portier, on observe chez Loyson « une extrême sensibilité aux influences du moment présent, aux rencontres, à une mobilité d’esprit — et source d’une perpétuelle souffrance » (p. 36). Son journal personnel montre son vaste réseau de relations et ses rencontres. Très affecté par le décès de son épouse en décembre 1909, Loyson mourut le 9 février 1912. Ses obsèques, qu’il voulait chrétiennes, furent célébrées au Temple de l’Oratoire, à Paris.


Je m’étais intéressé, il y a de longues années, non aux efforts de Loyson lui-même pour établir une paroisse vieille-catholique à Paris, mais à la postérité de cette initiative. J’y avais consacré en 1979 mon mémoire de maîtrise à l’Université Jean-Moulin (Lyon III). J’en avais tiré un article, « Le vieux-catholicisme en France après Hyacinthe Loyson. Aperçu à travers le Catholique français (1891–1915) », Internationale kirchliche Zeitschrift (Berne), 1/1983, pp. 27–64. Un scan de cet article au format PDF est librement accessible en ligne et peut être téléchargé (3,2 Mo) :
https://​www​.mayer​.lt/​r​e​s​o​u​r​c​e​s​/​1​9​8​3​_​M​A​Y​E​R​_​V​i​e​u​x​_​C​a​t​h​o​l​i​c​i​s​m​e​_​F​r​a​n​c​e​.​pdf

Quant au texte ci-dessous, il avait été préparé pour répondre à la demande de Jean-Claude Mokry, prêtre vieux-catholique, pour un colloque qui s’était tenu à Paris le 15 juin 2013, sur Hyacinthe Loyson, catholique et réformateur, en présence de Mgr Joris Vercammen, archevêque d’Utrecht. Ce colloque avait été organisé par la Mission vieille-catholique francophone (MIVICA) et la Paroisse catholique-chrétienne de Genève. Une publication des actes de ce colloque avait été envisagée, mais n’a jamais vu le jour.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de publier ici mon intervention, afin de la mettre à disposition des lecteurs intéressés, comme je me propose de le faire au cours des mois à venir pour d’autres textes de conférences non publiées. Comme je le mentionne dans l’article, il ne s’agit pas d’une recherche achevée : les Papiers Hyacinthe Loyson à la Bibliothèque de Genève représentent un volume considérable, qu’il ne m’a pas été possible d’exploiter intégralement dans le temps que j’avais à disposition. Il est donc possible que cette recherche soit un jour poursuivie et enrichie pour déboucher sur une autre publication.

Le texte ci-dessous peut être lu en ligne ou téléchargé (201 Ko).

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Classé sous :Catholicisme, Histoire Balisé avec :Eglise gallicane, Hyacinthe Loyson, vieux-catholicisme

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