Actif depuis 2003, le site Orthodoxie.ch avait grand besoin d’un rajeunissement. C’est maintenant chose faite : une nouvelle version est en ligne depuis hier. Le travail pour mettre à jour le site et moderniser sa présentation est l’occasion de rappeler ses origines et son histoire, avant de formuler quelques observations sur la situation actuelle, inspirées par l’établissement du répertoire des paroisses.

La naissance du site en 2003
J’avais enregistré le nom de domaine orthodoxie.ch en mai 2000. À cette époque, je n’avais aucune expérience de la création ou de la gestion de sites. C’était plutôt un enregistrement préventif, sans savoir encore quel usage je ferais de ce nom de domaine.
Je voyageais alors plusieurs mois par an dans différentes régions du monde. Internet était de plus en plus utilisé, mais les Églises et paroisses orthodoxes étaient nombreuses à ne pas avoir de site ou d’adresse électronique. Il existait cependant des annuaires de paroisses orthodoxes dans quelques pays européens et en Amérique du Nord, sous forme imprimée, mis à jour de façon plus ou moins régulière.
En Suisse même, les diocèses orthodoxes n’avaient pas de site. L’idée me vint qu’il serait utile, à la fois pour les voyageurs de passage en Suisse et pour les personnes désireuses de trouver une paroisse en Suisse, d’avoir un site sur lequel ces informations seraient accessibles. À la différence d’un annuaire imprimé, un site ne représentait qu’un faible investissement et pouvait facilement être mis à jour.
Aucune institution ou personnalité orthodoxe en Suisse ne semblait disposée à se lancer dans un tel projet. Après avoir lancé en 2002 le site Religioscope, j’avais acquis une modeste expérience initiale de la gestion de sites. Je songeai donc à mettre sur pied un petit site d’information sur les Églises orthodoxes en Suisse. Je soumis le projet à Mgr Ambroise de Vevey, lui-même très réticent à l’usage des nouvelles technologies, mais qui comprit l’intérêt et l’utilité de ce projet et me donna son approbation : son nom figure ainsi toujours sur la page d’accueil du site.
J’établis une liste de toutes les adresses qui m’étaient connues en Suisse romande. À partir de mars 2003, je commençai à envoyer une circulaire et un questionnaire aux paroisses orthodoxes en Suisse romande. Je priai également les destinataires de m’envoyer régulièrement les horaires des offices, en leur promettant que je les mettrais à disposition du public sur le site. J’offrais également la possibilité de mettre à disposition des paroisses qui le souhaiteraient un compte de courrier électronique @orthodoxie.ch — une possibilité que peu utilisèrent finalement.

Expériences, déboires et joies d’un webmaster de bonne volonté
Certaines paroisses répondirent rapidement et avec beaucoup de soin : parmi ces participants actifs dès le début du projet, certains continuent aujourd’hui, près de quinze ans après, de m’envoyer régulièrement les horaires et de me communiquer des modifications.
D’autres remplirent le questionnaire, puis ne donnèrent plus de nouvelles. Certaines paroisses ne répondirent jamais. Un prêtre m’expliqua que le diocèse auquel il appartenait avait l’intention de créer un site et qu’il ne voyait donc guère l’utilité du mien (la différence, bien entendu, c’est que Orthodoxie.ch essaie de couvrir l’ensemble des juridictions orthodoxes et pas une seule).
Pour l’anecdote, j’appris par la suite — avec un mélange d’amusement, de perplexité et de frustration — que les responsables d’une paroisse dont je tairai le nom avaient discuté de ma demande en séance et décidé de ne pas y donner suite… de crainte de me voir faire un « usage commercial » de leurs horaires paroissiaux ! J’avoue m’interroger jusqu’à aujourd’hui sur le possible usage commercial de tels documents…
Dès la fin de l’année 2003, je décidai de faire passer le site à une deuxième étape en y publiant de temps en temps des nouvelles pouvant intéresser les orthodoxes en Suisse. J’ai continué de le faire épisodiquement pendant quelques années. J’ai fini par abandonner — peut-être provisoirement — à la fois par manque de temps et parce que les nouvelles reçues tendaient à porter toujours sur les mêmes paroisses, faute d’avoir pu susciter le désir d’utiliser ce site comme outil d’information de l’Église orthodoxe en Suisse. Je reste convaincu qu’il serait possible de faire quelque chose, à condition de pouvoir y consacrer assez de temps. Pour l’instant, dans sa nouvelle formule, le site se concentre exclusivement sur le répertoire des paroisses orthodoxes en Suisse.

Le site restait alors romand, même avec un nom délibérément choisi pour être utilisable également en allemand. En 2005, je décidai d’élargir la liste des paroisses à la Suisse alémanique. Avec l’aide d’Helen Ansorge pour la traduction, j’envoyai à toutes les paroisses de la Suisse alémanique dont je possédais l’adresse une circulaire et un questionnaire semblables à ceux envoyés en 2003 aux paroisses romandes.
Comme pour les cantons francophones, je reçus des réponses soignées de plusieurs paroisses, tandis que d’autres ne donnèrent jamais signe de vie. Parmi celles-ci, l’une se plaignit quelques années plus tard de ne pas figurer sur le site. Je répondis en expliquant que le questionnaire envoyé n’avait jamais été rempli, mais m’empressai d’en adresser un nouvel exemplaire en priant mon interlocuteur de le remplir (une tâche peu compliquée et pouvant être menée à bien en peu de temps : adresse, noms des membres du clergé, activités, indications d’accès, etc.). Je ne reçus jamais de réponse et n’entendis plus jamais parler de cette paroisse !
Ce n’est pas la seule frustration de ce genre que j’ai rencontrée. Il m’est arrivé, cette année encore, de découvrir qu’une paroisse située dans une localité suisse où je n’étais jamais allé avait changé d’adresse depuis deux ans, que plusieurs visiteurs s’étaient rendus à l’ancienne adresse sur la foi du site, mais que personne n’avait jugé bon de m’avertir du changement — alors que le site reste pourtant le seul à couvrir l’ensemble des communautés orthodoxes en Suisse. J’espère vivement que le nouveau site incitera à l’avenir les paroisses à penser à me tenir au courant de changements majeurs.
Dès ce moment, le site exista donc à la fois en français et en allemand. Je projetais de l’élargir également au Tessin (le canton italophone dans la partie méridionale de la Suisse), mais ce n’est finalement que maintenant que cette addition est devenue réalité.
Je pourrais raconter les expériences vécues au fil des ans, notamment la variété des courriers et demandes reçues à travers le site : même si le formulaire de contact indique clairement que le site n’a pas vocation à répondre à des questions diverses relatives à l’Église orthodoxe, celles-ci n’ont pas manqué. Ce fut parfois le contact du canal initial avec l’Église orthodoxe pour des fidèles qui y ont adhéré par la suite.
En tout cas, le site a poursuivi son existence, avec des mises à jour régulières pour celles des paroisses qui m’envoyaient leurs horaires et autres informations, sporadiques pour les autres. De nombreux témoignages de particuliers m’ont appris au fil des ans que le site était leur source pour la consultation des horaires paroissiaux : pour cela déjà, le site était donc utile.
Internet change : pourquoi le site a fait peau neuve

Depuis quelque temps déjà, je me rendais cependant compte que le site, s’il présentait des qualités de sobriété et de lisibilité, avait pris un aspect vieillot, dans le monde d’Internet où tout avance et change très vite. Surtout, alors qu’on sait qu’un grand nombre d’utilisateurs accèdent aujourd’hui à Internet sur des smartphones ou tablettes, le site ne s’adaptait pas aux écrans moins larges de ces supports. Je savais qu’il fallait faire quelque chose, je reculais à cause du temps qu’il me faudrait y consacrer (la denrée la plus rare !).
Plus question de créer un site classique avec Dreamweaver, comme je l’avais fait en 2003. Depuis deux ou trois ans, je me suis beaucoup familiarisé avec WordPress et ai également découvert l’excellent hébergeur WP Serveur. C’est vers cet environnement que je me suis orienté.
Ainsi, depuis l’été 2017, prenant les moments que je pouvais trouver ici et là, j’ai consacré nombre de jours (et de nuits) à la réalisation de ce projet de nouveau site. Quiconque s’est occupé de sites connaît le caractère chronophage de la construction d’un nouveau site, même avec les outils qui facilitent aujourd’hui considérablement la vie d’un webmaster. Tel petit détail auquel aucun visiteur ne prête attention a pu demander de longues heures de travail. Mais c’est une satisfaction de voir enfin un site prêt à être offert au public et de présentation convenable, même s’il y a toujours des retouches de dernière minute ou dans les mois qui suivent l’ouverture d’un site. J’ai bénéficié de l’expérience de la formule précédente du site : je savais dès le début ce que je voulais faire, même si la forme et les outils n’étaient pas tous déterminés.
Outre une présentation moderne, sobre et présentant des éléments de discrète continuité avec la formule précédente, deux objectifs principaux ont guidé la mise au point de la nouvelle formule : une structure multilingue (que signale d’emblée les onglets vers les quatre langue du site au sommet de chaque page ainsi que les noms de sections en quatre langues pour les fiches signalétiques de chaque paroisse : Clergé / Klerus / Clero / Clergy…) et une orientation géographique plus claire (notamment pour les personnes moins familières avec la Suisse) grâce à des cartes géographiques interactives (merci, Google Maps !), tout en conservant dans une autre section la liste des paroisses par canton (ce qui permet aussi de voir dans quels cantons il n’en existe aucune).
Bien entendu, je me suis efforcé de trouver les informations à jour pour chaque paroisse — pas en envoyant un questionnaire, cette fois-ci, mais en les cherchant moi-même, sur Internet et dans les répertoires dont je dispose. J’espère qu’il n’y a — pour l’instant — aucune adresse obsolète, même s’il faudra très bientôt déjà de premières mises à jour et additions (j’attends les informations pour une nouvelle paroisse en gestation).
Je laisse le visiteur juger du résultat, toujours perfectible, mais qui a le mérite d’exister. Il va sans dire que si un lecteur repère une inexactitude, ou connaît une paroisse manquante au répertoire, les corrections et informations complémentaires seront reçues avec reconnaissance.

Un aperçu panoramique sur la présence paroissiale orthodoxe en Suisse
Je saisis l’occasion offerte par la mise en ligne de cette nouvelle formule du site pour résumer quelques observations inspirées par le travail d’établissement et de mise à jour du répertoire, le seul à ma connaissance à rassembler en une même liste toutes les paroisses orthodoxes du pays.
Comme nous l’indiquent les relevés structurels qui ont remplacé les recensements en Suisse, la population orthodoxe et orthodoxe orientale (cette seconde désignation s’appliquant aux communautés préchalcédoniennes, qui ne sont pas encore en communion avec les Églises orthodoxes marquées par la tradition byzantine) forment environ 2,3 % de la population résidente de la Suisse.
Des célébrations liturgique orthodoxes ont lieu plus ou moins régulièrement dans la moitié des 26 cantons et demi-cantons de la Confédération. La présence orthodoxe étant un fait minoritaire et principalement le fruit de l’immigration, la carte montre assez naturellement une concentration avant tout autour des zones les plus fortement urbanisées.
Il y a un peu moins de soixante paroisses orthodoxes en Suisse en ce moment. Cela inclut également des établissements monastiques qui font office de paroisses. Ces paroisses représentent des réalités très différentes de l’une à l’autre, tant par le nombre des fidèles que par la fréquence des offices. Dans la pratique, elles sont loin d’être toutes équivalentes à ce que représentent des paroisses catholiques ou réformées en Suisse — et leurs ressources sont généralement bien inférieures, avec un clergé qui n’est pas toujours rémunéré.
Le nombre de paroisses a augmenté. Ce n’est pas spectaculaire. Mais on voit des implantations dans des lieux où il n’existait pas de paroisse orthodoxe auparavant. Par exemple, c’est en 2003 — la même année que le lancement du site — qu’un groupe a commencé à se réunir pour jeter les premières bases d’une communauté orthodoxe à Neuchâtel ; celle-ci a aujourd’hui un lieu de culte fixe. Les nouvelles initiatives proviennent de plusieurs juridictions orthodoxes : la présence serbe et roumaine y contribue notablement, mais c’est à l’Église russe qu’on doit le début d’une activité liturgique à Bienne et au Diocèse de Suisse du Patriarcat œcuménique que revient l’actuelle initiative de célébrations liturgiques à Chavornay, dans le Nord-Vaudois — la notice sur ce lieu de culte sera la prochaine à être ajoutée au site.

Grecs, Russes, Serbes et Roumains forment les composantes les plus importantes de la présence ecclésiastique orthodoxe organisée en Suisse, mais d’autres viennent s’y ajouter : depuis 2009, il existe une paroisse orthodoxe bulgare à Zurich. Des efforts pour renforcer les relations entre les communautés orthodoxes des différentes juridictions existent : à l’échelle locale, par exemple l’Association des Églises orthodoxes dans le canton de Zurich ou le Conseil orthodoxe vaudois ; à l’échelle nationale, avec l’Assemblée des évêques orthodoxes de Suisse, constituée en 2010, dont il faut espérer voir les activités se développer. Une première journée inter-orthodoxe de Suisse avait eu lieu à Chambésy en 2012. De façon plus informelle, certains événements (fêtes ou anniversaires de paroisses, ordinations) sont des occasions qui amènent des orthodoxes de différentes juridictions à se retrouver.
Beaucoup de paroisses célèbrent dans des lieux de culte qui ne leur appartiennent pas ou qui ne sont pas des bâtiments construits à l’usage du culte orthodoxe. Cependant, il y a des constructions de nouvelles églises orthodoxes depuis l’an 2000. Il y avait eu — en 2002 — l’inauguration de l’église grecque de Münchenstein, facilement accessible depuis le centre de Bâle. Depuis 2009 est ouverte l’église serbe construite à Belp, aux abords de Berne.
Un nombre important de communautés orthodoxes célèbrent leurs liturgies dans des églises louées ou prêtées par des communautés catholiques ou réformées. Cet accueil a joué et joue un rôle important pour l’établissement progressif de paroisses orthodoxes en Suisse. Plus encore : il y a maintenant aussi des cas de lieux de culte d’autres confessions vendus à des paroisses orthodoxes, parfois à des conditions très avantageuses. Certaines des églises orthodoxes installées durablement dans le paysage suisse seront ainsi des lieux qui avaient connu d’autres formes de culte chrétien antérieurement — parfois avec des adaptations extérieures visibles, comme la coupole de style russe ajoutée sur le toit de l’église achetée en 2001 à la communauté Chrischona par la paroisse orthodoxe russe de la résurrection à Zurich ou le remaniement en profondeur d’une ancienne église néo-apostolique par la communauté serbe établie depuis le milieu des années 2000 à Zurich-Schwamendingen.

Quand j’avais lancé en 2003 la première formule du site, presque aucune paroisse orthodoxe en Suisse ne disposait d’un site web. Cette situation a heureusement changé, et m’a d’ailleurs rendu plus d’une fois grand service en cherchant des informations pour combler les lacunes dans les données dont je disposais. Si certains sites ne sont pas tenus à jour, d’autres sont très bien faits et attrayants : le côté visuel de la tradition orthodoxe, avec ses couleurs liturgiques et ses icônes, se prête bien à des présentations en ligne. (Je me propose d’ailleurs de demander aux paroisses de m’envoyer une ou deux bonnes photographies que je pourrai, petit à petit, ajouter à leurs pages de présentation respectives sur le site Orthodoxie.ch, pour illustrer leur vie communautaire ou l’aspect de leurs lieux de culte.)
Ainsi, il est devenu plus facile de trouver les horaires de plusieurs paroisses, même si certaines (et pas toujours les plus petites) continuent à ne pas avoir de site. Ces sites sont par vocation avant tout destinés à donner des informations sur les paroisses et leurs activités, et plusieurs le font très bien. Plusieurs utilisent une langue locale à côté de la langue d’origine de la communauté, tandis que quelques-uns paraissent destinés exclusivement à une population immigrée.
Un point à relever enfin : quelques communautés orthodoxes ne figurent pas sur le site, car elles ne se trouvent pas en communion avec les principales Églises orthodoxes pour des raisons variées. Je pense surtout ici à l’Église orthodoxe macédonienne, qui a inauguré en 2010 un bel édifice à Triengen, dans le canton de Lucerne. Il existe aussi quelques très petits cercles menant une vie à part, par exemple quelques personnes adhérant à des groupes vieux-calendaristes. De façon générale, cependant, les groupes sur les marges des Églises orthodoxes sont peu présents en Suisse, en comparaison avec ce qu’on peut observer par exemple en France. Depuis son lancement en 2003, le critère a été de n’inclure dans le répertoire que les Églises orthodoxes qui se trouvent en communion entre elles, tout en sachant que ces situations peuvent évoluer dans certains cas : le site s’y adaptera s’il y a lieu.
Ainsi, mettre à jour un répertoire peut être aussi l’occasion d’esquisser quelques réflexions sous l’angle de l’observation du paysage religieux en Suisse. En 2011 pour la Commission œcuménique de la Conférence des évêques (catholiques) suisses, puis en 2012 à l’occasion de la première rencontre inter-orthodoxe de Suisse, j’avais présenté un exposé synthétique sur la présence orthodoxe en Suisse et son histoire : je me propose à l’occasion de remanier ce texte et de le mettre en ligne, sur ce site ou sur un autre ; mais ce sera pour une autre fois, et je laisse pour l’instant mes lecteurs explorer la nouvelle formule du site Orthodoxie.ch.
Jean-François Mayer
En annexe, on trouvera ci-après le communiqué diffusé à l’occasion du lancement de la nouvelle formule du site Orthodoxie.ch.