L’éditeur Berg International a pris l’heureuse initiative de rééditer récemment un ouvrage épuisé depuis des années : un livre rédigé par le sociologue Henri Desroche (1914–1994), Dieux d’hommes : dictionnaire des messianismes et millénarismes du 1er siècle à nos jours. Après une stimulante introduction sur les millénarismes, le volume fait défiler devant nous une étonnante galerie de portraits – des figures de prophètes souvent oubliés, des livres que personne n’ouvre plus mais qui ont eu des lecteurs enfiévrés, des périodiques qui ont prêché l’irruption prochaine de grands bouleversements, des groupes qui ont cru devoir alerter leurs contemporains de l’imminence d’un temps de troubles préludant à une ère messianique. Mais ceux, aussi, qui ont tenté de combattre la séduction de telles espérances. Il suffit de feuilleter ce volume pour se rendre compte que les attentes millénaristes ont constamment accompagné le christianisme, et que l’époque contemporaine n’est assurément pas la moins bien servie en la matière. Je me propose de rédiger prochainement un compte rendu de cet ouvrage sur le site Religioscope.
Pour la plupart d’entre nous, évoquer les millénarismes fait vraisemblablement surgir soit des réminiscences d’histoire médiévale, soit certains groupes religieux de notre époque, tels que les Témoins de Jéhovah, dont la prédication place ce thème au centre même du message. “La fin est-elle proche?”, titrait en août 2010 leur magazine La Tour de Garde, sur fond d’une photographie du globe terrestre frappée de plusieurs côtés depuis le ciel par des boules de feu.
Si ces scénarios fascinent, il ne faut bien sûr pas les réduire à quelque goût morbide des catastrophes ou au goût des frissons. Leur attrait s’explique par la promesse d’autre chose qui les accompagne. Et aussi parce qu’ils permettent d’entrevoir une réponse à toutes les incertitudes accompagnant la précarité des société humaines –quelles que soient les percées de la science ou de la technique, qui engendrent d’ailleurs de nouvelles craintes.
Le croyant millénariste se sent dans une position privilégiée, puisqu’il lui est donné de comprendre où va le monde, les présentes incertitudes n’étant finalement que des péripéties dans un scénario écrit d’avance et dont l’aboutissement est connu, débouchant finalement sur la sortie de l’histoire telle que nous la connaissons.