Les médias imprimés traditionnels connaissent des difficultés. Leurs recettes publicitaires baissent, tandis qu’ils font face à la concurrence de journaux gratuits et à la multiplication de sources d’information plus ou moins fiables en ligne, pour ne citer que ces facteurs. Ils s’efforcent de répondre à ces défis, mais le phénomène le plus surprenant est celui de journalistes qui parient sur l’avenir et lancent de nouveaux titres — pas seulement en ligne, mais aussi des magazines imprimés. Je m’abonne à certains d’entre eux. J’ai pourtant bien assez de revues et livres à lire déjà, mais ces initiatives retiennent mon attention. Je ne me réabonne cependant pas toujours. Et j’ai vu disparaître après quelques numéros des titres éphémères auxquels j’avais souscrit. Une réflexion sur quelques expériences du consommateur d’informations que je suis, qui reçoit plus de revues qu’il n’en peut lire : pourquoi m’abonnerai-je durablement à un nouveau périodique ?
Le mois dernier, le journal fribourgeois La Liberté a consacré une page à la Neue Zürcher Zeitung (Ariane Gigon, « La ‘vieille tante’ défend son héritage », La Liberté, 25 janvier 2019). Je suis abonné à ce quotidien zurichois, qui a vu le jour en 1780 et qui figure au nombre des titres internationaux de référence. Cela vaut à ce journal suisse 10.000 abonnés en Allemagne, m’apprend l’article. Quand j’étais enfant, je me souviens que la NZZ (que je ne pouvais alors lire, faute de comprendre l’allemand) m’impressionnait : il comptait trois éditions par jour, avec des contenus différents — celle du matin, celle de midi et celle du soir ! La NZZ, avec son important réseau de correspondants, m’offre articles de fond sur des sujets que je vois guère traités ailleurs. En outre, elle utilise une langue allemande très lisible, même pour un lecteur dont ce n’est pas la langue maternelle.
Malgré les difficultés actuelles de la pressse, la Neue Zürcher Zeitung parvient à poursuivre sa route. Cela n’a pas été le cas de tous les journaux. Je regrette toujours la disparition du Journal de Genève. Ce n’est pas le seul journal ou magazine que j’ai vu disparaître depuis que je lis la presse. Car la lecture des journaux a toujours fait partie de mes rituels quotidiens : déjà durant mon enfance, il y en avait trois chaque matin dans la boîte aux lettres familiale.
Journaux et magazines en ligne :
ces nouveaux médias d’information qui renoncent à la version imprimée
Quand j’entre chez un marchand de journaux aux rayons bien fournis, je passe volontiers un moment à fureter pour repérer de nouveaux titres. J’ai donc été attentif aussi à l’apparition de nouveaux médias sans édition imprimée — même s’il m’a fallu un certain temps pour me faire à l’idée de leur payer un abonnement, et même si je préfère lire la presse quotidienne sur papier. Au milieu des années 2000, j’ai été abonné durant quelque temps à Salon.com, un webzine précoce, lancé en 1995, bien fait, conçu avant tout pour un public américain « progressiste ». L’abonnement était proposé à un prix raisonnable, mais je me suis lassé après quelque temps : en partie parce que le contenu était très américain, mais aussi à cause de l’orientation prévisible des articles. Il n’y avait pas assez de textes m’intéressant vraiment pour me retenir. Salon.com existe toujours, mais, comme le soulignait une enquête bien informée de Kelsey Sutton et Peter Sterne (« The fall of Salon.com », Politico, 27 mai 2016), il a évolué ; beaucoup de lecteurs d’il y a vingt ans ne s’y reconnaissent plus et s’en éloignent. Je viens d’aller visiter le site, qui offre un abonnement annuel à 100 $, mais aussi un accès illimité sans publicité pendant une heure pour 50 cents : une bonne chose à savoir si je souhaite y lire certains articles à l’occasion, et une bonne idée dont d’autres médias pourraient s’inspirer.
Dans la catégorie des médias en ligne qui ne cachent pas leurs opinions, il existe un exemple français connu : le « journal d’information numérique, indépendant et participatif » Mediapart, lancé en 2008, qui est parvenu à atteindre assez rapidement l’équilibre financier. Son président et figure de proue, le journaliste Edwy Plenel, indiquait en mars 2018 que Mediapart comptait 140.000 abonnés au 31 décembre 2017, « après avoir frôlé les 150.000 durant la campagne présidentielle [française] ». L’abonnement annuel coûte 90 €. Le lecteur bénéficie en échange d’un contenu substantiel. Sur le plan optique, les textes sont très lisibles, grâce à un choix judicieux de polices de caractère et de largeur ; les articles longs peuvent être lus en page unique aussi bien qu’en sections plus courtes. Probablement la page d’accueil serait-elle un peu plus aérée si elle était créée aujourd’hui, mais la présentation assez compacte ne me gêne pas pour un site d’actualité : elle permet de visualiser rapidement l’ensemble des sujets. Le contenu est téléchargeable au format PDF, qu’il s’agisse des articles individuels ou de l’ensemble des unes du jour (le 25 janvier 2019, cela représentait un PDF de 86 pages). La lisibilité du contenu sur l’application pour smartphone est très confortable. Je consulte rarement la partie média participatif (je pourrais moi-même y bloguer, en tant qu’abonné, si je le désirais).
Je me suis abonné à Mediapart en 2013. Plusieurs fois, j’ai été sur le point de ne pas renouveler mon abonnement : parce que j’ai déjà tant d’autres choses à lire sans en avoir le temps, et parce que les inclinations politiques de la rédaction m’agacent souvent. Pourtant, j’ai chaque fois fini par reconduire l’abonnement pour une année : parce que Mediapart est un journal en ligne bien fait, parce qu’il offre un riche contenu pour un coût très raisonnable, et parce qu’jl apporte une information originale, avec une part non négligeable réservée à un vrai journalisme d’investigation. Les contributions documentées de certains rédacteurs spécialisés justifieraient à elles seules l’abonnement. Cela donne une première indication des raisons qui peuvent fonder le succès d’une nouvelle initiative journalistique.
Toutes ne me parviennent pas à me convaincre. Il y a un peu plus d’un an, j’avais participé à la souscription pour un nouveau média de langue allemande en Suisse, Republik. Ce magazine digital sans publicité et réservé aux abonnés traite de politique, d’économie, de société et de culture. La souscription lancée par les fondateurs au printemps 2017 avait rencontré un réel succès : plus de 13.000 personnes avaient accepté de payer un abonnement annuel de 240 francs pour un magazine en ligne finalement lancé en janvier 2018. Si l’on considère la population de la Suisse (environ 8,5 millions d’habitants, 63 % de langue allemande en 2016), un tel nombre d’abonnés plusieurs mois avant la parution du magazine était révélateur d’une réelle ouverture à de nouveaux médias.
Sur le plan formel, Republik est une élégante réussite. Une présentation sobre, minimaliste, d’une excellente lisibilité, avec la possibilité de créer des PDF parfaitement conçus (y compris le choix d’y intégrer ou non les illustrations). De même, l’application pour smartphone est bien pensée.
Pourtant, quand est venu en janvier 2019 le moment de me réabonner, j’ai fini par y renoncer. Je l’aurais peut-être fait pour un abonnement moins cher : à 240 francs, on réfléchit à deux fois. Les articles sont bien écrits, certains m’ont intéressé, même si j’avoue n’avoir eu le temps de parcourir qu’une petite partie d’entre eux. Je n’y trouve pas beaucoup les thèmes qui m’attireraient le plus. Il y manque peut-être aussi ce qui me convainc malgré toiut de renouveler mon abonnement à Mediapart : ce journalisme d’investigation et ces informations qu’on ne trouve pas ailleurs. En ces temps d’abondance d’informations accessibles, une sélection s’opère inévitablement et nous conduit à ne retenir que ce qui nous intéresse le plus. Un autre atout serait une originalité de l’analyse et une indépendance de la réflexion qui distingueraient de tels titres par rapport aux autres médias : souvent, cependant, c’est surtout l’emballage qui semble finalement différent.
Je ne suis pas le seul à avoir renoncé à me réabonner : plusieurs milliers d’autres lecteurs ont fait de même. Dans une pertinente analyse du développement des médias en ligne à travers le cas de Republik, Lucien Scherrer fait remarquer que le marché de ces médias est en plein mouvement partout dans le monde, suscitant une variété d’initiatives et créant un phénomène de bulle médiatique (« Die ‘Republik’ und das Bubble-Problem », Neue Zürcher Zeitung, 26 janvier 2019). Et c’est vrai : je ne cesse de découvrir de nouveaux médias de ce type. J’admire leur créativité, car il y en a vraiment pour tous les goûts et pour chaque public, de l’opinion mêlée d’analyse (par exemple le « quotidien d’auteurs » français AOC depuis janvier 2018, ou dans un autre registre l’Antipresse de Slobodan Despot depuis 2016) aux outils de réflexion (par exemple Aeon, en anglais, depuis 2012) en passant par la plateforme de journalisme scientifique et technique Higgs (en allemand, lancée en janvier 2018), pour ne citer que ceux-ci. Certains sont parvenus à bien s’établir déjà, mais rien ne garantit que tous survivront.
Les nouveaux magazines imprimés
Mais c’est surtout l’apparition de nouveaux magazines imprimés à laquelle je veux m’intéresser maintenant. Je me pencherai ici seulement sur des magazines à vocation généraliste, et pas sur ceux qui s’adressent à un segment précis de l’opinion publique, par exemple le « magazine conservateur » L’Incorrect, qui paraît depuis septembre 2017 et promet « cent pages d’insurrection intellectuelle par mois » — non sans peiner à trouver lui aussi des abonnés (moins de 2.000, dit-on). Il vaudrait la peine de parler de ces initiatives aussi, qui s’adressent avant tout à une famille politique : ce sera pour une autre fois.
Les nouveaux magazines imprimés sont souvent des initiatives qui tiennent à offrir à leurs abonnés un produit sur papier tout en mettant fortement l’accent sur une présence web. Un périodique sans site d’accompagnement convaincant est devenu pratiquement impensable.
Ces médias s’efforcent de mettre en avant un traitement de l’actualité différent de celui qu’exigent un rythme hebdomadaire et une couverture généraliste. Ce choix les place d’emblée sur un terrain complémentaire. Cela peut s’affirmer dans la forme, avec le choix du mook, cette formule apparue dans la presse francophone dans la seconde moitié des années 2000.
« Contraction des mots “magazine” et “book”, le néologisme “mook” (…) est une revue au contenu accessible au plus grand nombre, contrairement aux revues traditionnelles, littéraires, politiques ou académiques, destinées à un public d’initiés. Le mook ou encore mag-book a cependant adopté certaines de leurs caractéristiques telles que la périodicité (trimestrielle) ; une pagination importante (150 à 200 pages) ; un prix de vente approchant celui du livre (15 à 20 euros) ; sans publicité (…). Cependant ce qui éloigne certainement davantage cette nouvelle famille de publications de la presse magazine pour la rapprocher de l’édition tient à la dimension littéraire de leur contenu qui privilégie les articles longs. Soutenu par une mise en page sophistiquée, ce genre nouveau de publication renoue avec le récit journalistique et fait la part belle à la photographie. » (Françoise Laugée, « Mook », Revue européenne des médias et du numérique, N° 22–23, printemps-été 2012)
J’aime le modèle du mook — souvent un bel objet, qui me rappelle le livre ou la revue classique. Nous en avons un exemple ici à Fribourg, avec Sept. Mais je consacrerai une autre fois un texte à ce type de nouveau média imprimé. Pour aujourd’hui, je m’en tiendrai à trois cas récents, avant de conclure par quelques observations générales.
Pour un nouveau média imprimé, durer représente déjà une réussite. Nous en avons eu deux exemples au début de l’année 2018. Presque en même temps étaient nés en France, deux hebdomadaires, Ebdo et Vraiment.
Je m’étais abonné au premier avant sa parution, sur la foi de quelques noms de rédacteurs qui me semblaient de bon augure, outre la promesse d’un hebdomadaire sans publicité. Il y avait aussi l’approche intéressante de vouloir atteindre de nouveaux publics et d’échapper à un sérail médiatique parisien. Grâce à une campagne de financement participatif qui avait convaincu près de 6.000 contributeurs, le futur Ebdo était parvenu à recueillir plus de 400.000 € pour se lancer.
Le premier numéro parut le 12 janvier 2018. Je dois dire que le résultat peina à me convaincre, tant sur le plan de la forme que du fond. J’avais du mal à voir dans ce nouvel Ebdo la réponse à un besoin d’information qui ne serait pas couvert ailleurs. Sa mise en page se voulait moderne, mais devait jouer avec un petit format rendant les photos envahissantes plus que valorisantes pour le contenu. Certains articles me paraissaient courts, et à l’inverse certaines sections superflues. Ebdo peina à trouver un nombre suffisant de lecteurs. Le choix d’un sujet (des accusations de viol classées contre une figure publique) lui valut des réactions plutôt négatives.
Après dix semaines, le dernier numéro d’Ebdo parut le 23 mars 2018, alors que les responsables avaient laissé entendre qu’ils disposaientd’un financement pour deux ans. La société éditrice se retrouva en cessation de paiement et les abonnés ne reçurent évidemment pas de compensation pour les mois restants. Ceux qui étaient le plus à plaindre furent les journalistes qui avaient accepté de rejoindre cette aventure rapidement avortée. Non sans raison, l’article du Monde annonçant la fin d’Ebdo titra sur « un sentiment ‘d’amateurisme’ et de ‘gâchis’ » (22 mars 2018).
Même si je regrette toujours la disparition d’un titre de presse, même si j’y ai aussi trouvé des articles intéressants, je ne parviens pas vraiment à me désoler de la rapide disparition d’Ebdo, auquel je ne voyais pas de raison de m’attacher en tant que lecteur : je ne m’y serais pas réabonné après un an.
À l’inverse, l’hebdomadaire Vraiment, auquel je ne m’étais pas abonné, mais dont j’achetai chaque numéro, me séduisit plus. Tant le format que le contenu correspondaient mieux à ce que j’attendais d’un hebdomadaire. Non seulement le choix des sujets et leur traitement étaient bons, mais cet hebdomadaire donnait aussi le sentiment d’une approche libre et factuelle. Ce n’était pas une simple impression subjective, mais le fruit d’une approche assumée : Vraiment affichait son intention de « se détacher de l’actualité chaude et du sensationnel », de « s’adresser à l’intelligence de [ses] lecteurs », de « privilégier les faits à l’opinion » et d’« exposer et confronter des points de vue différents ». Dans un reportage de La Croix (21 mars 2018) sur le lancement de ce nouveau titre, les fondateurs disaient vouloir « privilégier les faits sur les opinions » et reconnaissaient l’influence du modèle de la presse anglo-saxonne dans la ligne choisie : « Ces titres sont très inclusifs et rédigés de façon simple et factuelle pour s’adresser à un public qui ne partage pas les mêmes références sans décevoir les spécialistes du sujet. »
Malheureusement, même cette tentative plutôt convaincante à mon sens peina à convaincre un nombre suffisant d’abonnés et d’acheteurs au numéro. Le premier numéro sortit des presses le 21 mars 2018, le huitième et dernier ferma la marche le 9 mai déjà. Vraiment ne comptait alors qu’un millier d’abonnés et ne vendait qu’environ 5.000 exemplaires. Impossible d’espérer atteindre l’équilibre financier dans ces conditions. Dans un premier temps, les responsables envisagèrent de redimensionner et de poursuivre l’expérience sous une autre forme après une pause, mais ce projet fut rapidement abandonné.
Je continue de regretter cette disparition trop précoce. Il y avait la place pour un hebdomadaire de cette nature dans l’espace médiatique français, surtout dans le contexte actuel. Pourtant, les chiffres présentés après huit numéros étaient sans appel : le lectorat de Vraiment était inférieur même à celui d’Ebdo. Peut-être s’agissait-il d’un problème de campagne de lancement ou de marketing ? Je n’en sais rien. Mais ces deux cas illustrent bien les défis posés aux médias imprimés qui ne disposent pas d’un mécène aux reins solides pour la période initiale et ne parviennent pas à convaincre suffisamment d’abonnés.
En dépit de ces échecs, de nouvelles initiatives continuent d’apparaître, avec des perspectives d’avenir parfois incertaines. Je ne vais pas en faire le tour, mais simplement mentionner l’une des plus récentes, à laquelle j’ai souscrit dès son lancement, en novembre 2018 : il s’agit de Heidi.news, un nouveau média suisse romand qui sera lancé à Genève au printemps 2019. Il approcherait de la moitié des 2.000 « membres fondateurs » (à 160 francs) nécessaires pour son lancement. Pour le reste du financement, un message envoyé le 10 janvier 2019 par son rédacteur en chef, Serge Michel, explique : « Les premiers fonds sont venus de notre petite équipe des fondateurs, sur leurs deniers personnels. Nous avons ensuite levé des fonds auprès d’une dizaine de personnalités romandes qui ont acquis chacune au maximum 1 % des actions de la société. »
C’est sans doute l’ancrage dans une Genève à la fois suisse et internationale qui explique que Heidi.news se déclinera en français et anglais. L’originalité de l’approche est l’intention de combiner une double démarche. D’une part, les « flux », c’est-à-dire une « sélection quotidienne d’informations concises et pertinentes, pensées pour mobile ». D’autre part, les « explorations », présentées comme de « grands reportages et des enquêtes approfondies publiés en épisodes hebdomadaires » (avec une nouvelle exploration lancée chaque mois), débouchant ensuite sur une revue imprimée. Les rédacteurs promettent un « média audacieux » et un journalisme de terrain, et pas simplement de la recherche en ligne, et annoncent le rythme : « Heidi.news s’adaptera à votre rythme de vie, sera court et pertinent sur mobile la semaine, approfondi et narratif le week-end. »
Sur la page d’accueil du site de présentation de son futur média, Heidi.news résume en une image sa façon d’envisager l’interaction entre différents supports de lecture.Il ne reste qu’à attendre le lancement de ce nouveau média pour juger sur pièces si ces promesses sont tenues. J’apprécie l’accent mis sur la vérification de l’information afin que même un lecteur spécialiste d’un sujet ne puisse rien trouver à y redire. Je note l’intention de Heidi.news de s’intéresser à une variété de secteurs thématiques, en commençant par la science et la santé, puis en ouvrant tous les six mois un nouveau flux : « culture, Genève internationale, droit, finance, éducation, etc. », et en s’appuyant chaque fois sur une communauté d’experts. C’est très ambitieux — et très stimulant si ce média réussit à rassembler un nombre suffisant d’abonnés.
Pourquoi de nouveaux médias ? et pourquoi s’y abonner ?
S’il est naturel que des journalistes ressentent parfois l’envie de lancer un nouveau média, la diminution du nombre de médias dans un espace géographique n’est pas un facteur suffisant pour garantir le succès de magazines et sites aspirant à leur succéder. S’il est vrai que des journaux et périodiques ont disparu, nous avons en même temps gagné l’accès à un nombre considérable de médias plus ou moins lointains, grâce à Internet, qui nous permet de lire en temps réel des quotidiens et magazines publiés aux antipodes. Il faut y ajouter la création d’un nombre considérable de sites, sur les sujets les plus variés, qui nous alimentent également en informations et en analyses : à côté des sites médiocres ou partisans, il existe nombre de sites de qualité, parfois rédigés par de véritables experts, nous permettant de satisfaire nos curiosités comme jamais auparavant, jusqu’à la boulimie.
Il faut donc de bonnes raisons pour s’abonner à un nouveau magazine ou média de type généraliste. J’accueille avec scepticisme les plaidoyers selon lesquels ces médias seraient indispensables pour permettre le fonctionnement des sociétés démocratiques : cela me semble un peu prétentieux et ne me paraît pas pouvoir constituer la justification de l’existence de ces médias. Ce n’est en tout cas pas pour cela que je m’y abonnerai.
Je me m’abonne pas à de nouveaux médias par nécessité de remplacer les sources existantes, mais pour les compléter. Et ne disposant ni d’un temps infini ni d’un budget illimité, je me montrerai sélectif. J’espère y trouver des informations sur des sujets moins souvent traités ou des éclairages me permettant d’aller plus loin. J’apprécie tant des enquêtes sérieuses que des approches nuancées. J’attends aussi de ces médias qu’ils m’offrent une ouverture à d’autres points de vue et à d’autres perspectives, en réussissant à m’intriguer et à stimuler ma réflexion, et pas simplement en répétant des propos déjà lus partout ou des slogans.
La qualité, la profondeur, l’indépendance intellectuelle ou l’originalité des analyse et des informations me convaincront d’ajouter de temps en temps un nouveau magazine ou média à la liste déjà trop longue de mes abonnements. Pas toujours facile de choisir : le paradoxe est que ce temps de crise des médias est en même temps celui d’une remarquable profusion grâce aux nouveaux canaux de communication.
Paul Nizan dit
Et surtout, ne pas oublier les géniaux « Le 1 » (https://le1hebdo.fr/) et « America » (https://www.america-mag.com/) de l’indispensable Eric Fottorino. Les deux ont un concept clair et un contenu excellent.
« Le 1 » : c’est un sujet par semaine, sans publicité, sur une seule page, et se lit en 1 heure. Différents points de vue et une présentation superbe, jusqu’au « poster ».
« America » : ce sont 16 numéros durant les 4 ans d’une législature présidentielle. Presque un livre à chaque fois, et la qualité de l’objet…
Jean-Francois Mayer dit
Oui, ils méritent votre mention. Comme vous l’aurez compris, mon article n’avait pas pour objectif de procéder à un tour d’horizon complet, mais de citer quelques exemples pour illustrer les dynamiques dans le domaine des médias. Je suis heureux de voir des lecteurs ajouter leurs propres suggestions et observations.
En ce qui concerne America, j’en ai lu deux numéros et j’ai en effet beaucoup apprécié la qualité de ce trimestriel. J’avais d’ailleurs déjà l’intention d’y consacrer prochainement un petit billet sur mon autre blog : votre commentaire enthousiaste (et justifié) m’encourage d’autant plus à le faire.