En novembre 2015, l’annonce par la Radio-Télévision Suisse (RTS) des drastiques coupures (40 %) dans le budget des émissions religieuses, coproduites en partenariat avec les Églises catholique et réformée, causa un choc dans différents milieux en Suisse romande. Elle entraîna une forte mobilisation d’auditeurs et téléspectateurs non seulement chrétiens, mais également agnostiques ou membres d’autres confessions religieuses. En effet, RTSreligion propose une information et des analyses de qualité sur les questions religieuses en général. Une pétition recueillit plus de 25 000 signatures en quelques semaines et fut remise aux représentants de la RTS au mois de janvier 2016. En juin, après plusieurs mois de négociations, un accord fut conclu avec la direction de la RTS.
Comme le savent les lecteurs fidèles de ce site, je me suis engagé dès novembre 2015 au sein d’un comité de soutien à ces émissions en péril. En ces premiers mois de l’année 2017, plus d’un an après cette mobilisation et l’écho médiatique qu’elle suscita, il m’a semblé opportun de proposer une analyse rétrospective et un point de situation, en interrogeant Michel Kocher (directeur de Médias-pro) et Bernard Litzler (directeur de Cath-Info), qui ont été concernés au premier chef par cette crise et ont participé aux négociations avec la direction de la RTS. Une fois n’est pas coutume : ce n’est donc pas un texte dont je suis l’auteur, mais un entretien que je vous invite à lire ici.
Jean-François Mayer — Après le communiqué de presse de juin 2016 qui annonçait l’aboutissement des négociations menées entre la direction de la RTS et ses partenaires pour les émissions religieuses, le rédacteur du site de la Fédération romande d’Églises évangéliques résumait en écrivant : « Les émissions religieuses de la RTS sinistrées, mais toutefois moins que prévu. » Cette évaluation modérément positive correspond-elle à la réalité ?
Michel Kocher — Elle est trop sévère. Ce n’est pas « sinistrées » : c’est « affaiblies » — sérieusement affaiblies — mais jamais, à aucun moment de toute cette période difficile, on n’a imaginé qu’on allait disparaître ou se réduire de telle façon que la crédibilité même de notre présence dans le service public serait atteinte. Au tout début, quand on nous a annoncé la suppression des magazines, nous avons pensé que nous n’allions pas survivre. Cependant, assez rapidement, nous nous sommes rendu compte que cette position était une position extrême de la direction et que celle-ci, sans le reconnaître vraiment, avait quand même mis un peu d’eau dans son vin.
Bernard Litzler — Je ne pense pas que nous étions dans le domaine du sinistre. Nous avons traversé des phases de négociations intenses, voire houleuses par moments. Mais les deux partenaires ont eu l’envie d’aboutir.
Globalement, si nous analysons la situation, en radio nous n’avons pratiquement rien perdu, sauf un changement d’émission sur Espace 2, d’une quotidienne à une hebdomadaire, et en télévision le gros changement a porté sur ces offices religieux, mais pour permettre le maintien d’une émission magazine. Donc, « sinistre » n’est pas un mot que j’emploierais, car, à la satisfaction des deux parties, un accord a pu être trouvé.
Jean-François Mayer — Sans trahir la confidentialité des négociations avec la direction de la RTS, les 25 000 signataires de la pétition seraient intéressés de savoir dans quelle atmosphère ces négociations se sont déroulées. Avez-vous observé un véritable esprit de négociations, ou fallait-il se battre pour obtenir chaque petite concession ?
Michel Kocher — Ces discussions se sont déroulées entre personnes qui se connaissent et se côtoient tous les jours, s’apprécient, font le même métier. L’atmosphère était donc cordiale et courtoise. Ce n’est pas pour autant que les discussions ont été faciles. La raison en était simple : la direction de la RTS avait donné un mandat aux négociateurs que nous avions face à nous, un mandat d’économies extrêmement radicales, sur lequel nous avons tout de suite dit que nous n’entrerions pas en matière. Nous avons donc discuté longtemps en n’étant pas d’accord sur l’objectif que nous devions atteindre, c’est-à-dire l’ampleur des économies à consentir. On s’est donc un peu fait un jeu de poker menteur jusqu’à la fin et, dans le jeu de poker, on transpire beaucoup !
Bernard Litzler — Nous avons traversé des phases de doutes. Elles sont normales dans une négociation qui a duré quand même six mois. Nous avons tenu six séances. À chaque séance, nous avons pu observer des progrès. En effet, il se pose des questions tout à fait concrètes, du style : si nous modifions l’horaire de diffusion d’une émission, à quel autre endroit pouvons-nous la placer dans la grille ? Nos vues ont été communes assez rapidement. Nous avions conscience que la RTS était tenue de faire des économies, mais nous ne pouvions et ne voulions pas céder, forts de cette pétition de 25 000 personnes, qui a quand même joué un rôle, et du désir du public.
Jean-François Mayer — Et quel résultat a‑t-il été atteint ? Quels changements pour les émissions de RTSreligion, quels nouveaux projets ?… Concrètement, sur quoi tout cela débouche-t-il ?
Michel Kocher — À la fois le maintien de produits et le changement ou la disparition d’autres produits. Il y a de vrais changements. La principale réduction est celle du nombre de messes et de cultes produits par la RTS sur le territoire de la Suisse romande.
Bernard Litzler — Très vite, du côté des Églises, nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il fallait sauver les émissions magazine, quitte à réduire le nombre d’offices religieux télévisés. Ce domaine coûte relativement cher. En analysant la situation, nous avons estimé que nous pouvions faire cela, parce que les messes sont visibles sur France 2 qui les diffuse chaque dimanche et que la partie protestante a accepté de réduire aussi le nombre de cultes, même s’il n’y en a pas tous les dimanches sur les chaînes françaises. Nous sommes donc passés de douze offices religieux filmés en Suisse romande en 2016 à deux offices en 2017. Pour avoir une offre pendant les jours de fête, des offices seront repris des autres religions linguistiques de Suisse et de l’étranger.
Michel Kocher — C’est beaucoup moins, et nous nous trouvons là face au gros de la perte. Une autre perte qu’il faut mentionner est celle du magazine Dieu sait quoi, qui proposait des documentaires (traduits ou parfois coproduits) pour les dimanches sans retransmission de messe ou de culte. C’était une occasion pour la RTS et RTSreligion de soutenir des projets de documentaires suisses ou en coproduction avec des Suisses, qui pouvaient par ailleurs bénéficier du soutien de fonds de production de la Confédération. Les auditeurs et téléspectateurs ne voient que le sommet de l’iceberg (la disparition de ces documentaires religieux): mais le plus grave est qu’a disparu la possibilité de soutenir ainsi des productions de documentaires suisses dans le domaine religieux. Je déplore cette perte. Je ne suis pas sûr que la direction de la RTS a vraiment vu l’enjeu.
Pour le reste, À vue d’esprit sur Espace 2 est remplacé par un autre magazine, Babel (dimanche à 11h) : c’est le fruit d’un compromis, mais avec des logiques de programme réelles ; donc les auditeurs d’Espace 2 nous retrouvent à un autre moment, mais ils ont toujours une offre de qualité dans le domaine de l’approfondissement. Sinon, les choses sont maintenues.
Jean-François Mayer — Les changements les plus radicaux sont donc survenus à la télévision…
Michel Kocher — Absolument. Ce sont aussi les émissions qui coûtent le plus cher. Il était donc impératif d’économiser là. L’économie a été faite sur les messes et cultes pour une raison simple : c’est ce qui coûte le plus cher. Et au coût/minute par rapport au nombre de téléspectateurs, ce sont des émissions trop chères.
Jean-François Mayer — Aux habitués des messes et des cultes, conseillez-vous de zapper sur des programmes de pays voisins ?
Michel Kocher – Oui, comme l’a expliqué Bernard Litzler. Mais l’offre radio reste : c’est quand même le pilier de notre présence dans le service public, car la fidélisation est considérable. Sous forme d’expérience pour l’instant, nous allons développer du streaming : nous allons filmer quelques cultes et messes radio pour les montrer sur Internet (pour le culte : www.celebrer.ch, pour la messe : www.cath.ch). Or, aujourd’hui, on peut voir Internet sur sa télévision. Nous faisons face à des changements technologiques : c’est moins bien qu’avant, mais cela représente quand même des ouvertures possibles.
Jean-François Mayer – Tout cela entraîne-t-il un changement sur le plan des relations entre la RTS et ses partenaires des émissions religieuses ? Pas seulement sur le plan formel, mais aussi sur l’état d’esprit : une crise telle que celle que vous avez traversée laisse quand même des traces…
Michel Kocher — La convention a été renouvelée. Nous n’avons pas changé de convention. Nous avons aménagé un certain nombre de détails. Mais, grosso modo, notre partenariat sort indemne de cette crise. C’est plus au niveau des personnes qu’une crise telle que celle-ci peut être usante, moins au niveau des institutions. Il est pourtant vrai que nos Églises, catholique et réformée, se sont interrogées et continuent de s’interroger sur la façon dont nous avons été traités. Pour nos institutions, le signal plutôt préoccupant a été cette soudaine marginalisation : il a fallu recueillir des milliers de signatures pour être traités comme nous méritons de l’être — étant entendu que nous sommes le plus ancien partenaire du service public.
Jean-François Mayer - D’autres émissions ont aussi subi des mesures d’économie, ce qui a aussi valu à la RTS des protestations. Celles-ci ont-elles eu un effet, ou le processus de négociation entre RTSreligion et la direction de la RTS a‑t-il été unique en son genre ?
Michel Kocher — Clairement, unique en son genre. Le jazz ou la musique populaire, qui ont été touchés, sont des émissions entièrement produites par la RTS. Nous sommes les premiers et un peu les seuls partenaires éditoriaux extérieurs à la RTS, avec lesquels elle travaille depuis longtemps. C’est peut-être aussi pour cela que la crise a été difficile. En même temps, ce qui a été fécond pour les deux parties a été l’obligation de négocier. Or, d’ordinaire, la RTS ne négocie pas : elle décide, forte de son indépendance éditoriale et financière.
Jean-François Mayer – Nous pouvons donc dire que cette pétition, qui s’est transformée en véritable plébiscite, a fait la différence à la fois dans les négociations et dans les résultats ?
Bernard Litzler — Absolument. La pétition a réellement été un socle sur lequel s’appuyer pour entrer en négociation. Nous n’étions pas seulement la voix des Églises, mais aussi la voix du public. Cela nous a donné un double enracinement. Le mot de plébiscite n’est pas trop fort : même si les motivations des gens qui ont signé cette pétition peuvent être très diverses, nous avons vu qu’une partie du public trouvait dommage, voire suicidaire, de la part de la RTS de retirer sa part des émissions religieuses, c’est-à-dire cette partie didactique, si l’on retranche les offices. Cette partie didactique se retrouvait pratiquement retirée de l’offre du service public, alors que, de notre point de vue, le monde n’en a peut-être jamais eu autant besoin.
Michel Kocher — Je suis moi aussi intimement convaincu de l’importance de cette pétition. Il est difficile de l’évaluer objectivement, parce que la RTS — et cela se comprend — a toujours développé une culture dans laquelle elle se met à l’abri de toute pression. Elle ne reconnaît pas la validité des pressions. Mais cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas d’effet. On ne nous a pas dit que des concessions étaient faites parce qu’il y avait des signatures. Mais nous savons que les signatures de cette pétition représentent un poids réel, pas seulement ou d’abord un poids politique de protestation, mais un poids éthique, et faudrait-il dire spirituel ? ou en tout cas éditorial de soutien par rapport au domaine que nous représentons. Cela représente un poids énorme, pour lequel nous avons une très grande reconnaissance envers toutes celles et tous ceux qui ont signé.
Jean-François Mayer — Vous avez souligné qu’il y a aussi eu des aspects positifs de cette crise. Peut-on dire qu’elle a notamment permis d’élargir la notoriété de RTSreligion et de mettre en lumière la qualité de son travail ?
Michel Kocher — Incontestablement. Nous avons des échanges avec des personnes de tous horizons. Quand nous parlons de Médias pro ou de Cath Info, personne ne sait de quoi il s’agit. Quand nous parlons des émissions religieuses de la RTS, ça n’évoque pas grand’chose. Quand nous parlons de RTSreligion, les gens ont, pour la plupart, entendu qu’il s’est passé une crise et que le domaine a finalement été préservé, sauvegardé. À travers la crise, nous avons acquis une notoriété. Je crois que nous en sortons renforcés : nous sommes fragilisés parce que nous disposons de moins de moyens et de moins d’argent pour nos émissions, mais renforcés parce que ce que nous faisons a été reconnu par l’extérieur, mais aussi à l’interne. Beaucoup de confrères de la RTS ont exprimé leur soutien durant cette crise : ils ne pouvaient pas le faire publiquement, par loyauté vis-à-vis de leur employeur, mais nous savions qu’ils soutenaient pleinement non seulement notre combat, mais aussi les valeurs et les produits que nous proposons.
Bernard Litzler — Quand je suis arrivé ici il y a huit ans, quand on me croisait dans les couloirs, on disait : « Ce sont les gens des Églises. » Il y a quelques années, nous avions pu faire admettre que RTSreligion était une appellation qui correspondait à ce que nous faisions. Aujourd’hui, avec le soutien de la pétition, nous avons renforcé le poids de cette appellation. Quand un de nos collègues va voir quelqu’un pour une interview et dit qu’il vient pour RTSreligion, les gens savent immédiatement qui il représente. La RTS a une offre en matière de religion, et c’est ce qui compte.
Jean-François Mayer — La crise a certainement eu un impact personnel, professionnel, émotionnel fort sur les équipes touchées par ces mesures drastiques de réduction. Que pouvez-nous nous confier à ce propos, sans trahir les secrets des uns et des autres ? Comment ce choc a‑t-il été vécu ?
Michel Kocher — Comme directeurs, nous nous sommes engagés vis-à-vis de nos collègues à faire en sorte que leur travail soit reconnu, malgré le déni que représentaient les propositions de la direction, et que leurs postes soient si possible maintenus. Nous avons presque réussi, à l’exception d’une ou deux personnes qui ont perdu une partie de leur temps de travail (lié aux messes et aux cultes). Tous nos collaborateurs ont retrouvé du travail, ont conservé des contrats comme auparavant. C’est pour nous une source de contentement, sans cacher le fait que cette année a été pour eux extrêmement difficile. Ils ont vécu la position très rigide de la direction comme un désaveu. Par là même, les signatures recueillies ont été une forme de reconnaissance à la mesure du désaveu. C’est comme recevoir une bonne gifle et une très bonne accolade : la gifle reste, parce que vous êtes un peu fâché contre celui qui vous a giflé, mais finalement, si vous recevez une série d’accolades derrière, le bilan est dans l’ensemble supportable.
Bernard Litzler — Entre novembre 2015, où nous avons reçu l’annonce de cette coupe de 40 %, et juin 2016, nous sommes passés par tous les états d’âme, parce que nous avons vécu cela comme une manière de mise à l’écart. Le côté force de nos collaborateurs est qu’ils croient en ce qu’ils font : cela a été très important, nous ne comprenions pas cette mise à l’écart, alors que la pertinence de nos productions était avérée. Petit à petit, avec la mise en place de la pétition qui a atteint des sommets inespérés, le moral est remonté. Bien sûr, il a fallu ensuite négocier. Deux de nos collaborateurs ont participé aux négociations – il n’y avait pas que les deux directeurs de notre côté dans la petite commission — et ils ont donc été informés de l’évolution du processus. Nous avons peu à peu vu que les dangers les plus forts avaient été écartés. Des deux côtés, catholique et protestant, nous avons quand même dû ajuster les cahiers de charges à la baisse.
Jean-François Mayer — Mais au fond, quelle a été la cause de ces coupures drastiques, incompréhensibles et incohérentes par rapport à une mission de service public ? N’y avait-il vraiment que des mesures d’économie ? Ou une hostilité de principe de certains cercles à des émissions à la fois religieuses et sur les religions, voire le désir de remplacer ces émissions par un autre type d’information religieuse ? Ou encore la nécessité de s’adapter à des changements du paysage médiatique ? Qu’y avait-il derrière ces décisions ?
Bernard Litzler — Nous n’avons pas vraiment su quels étaient les motifs, puisque à tout moment c’était l’argument financier qui se trouvait avancé, de manière forte, en soulignant que nous n’étions pas les seuls à être touchés. Néanmoins, cela nous a posé question, dans la mesure où, dès le départ, on nous a annoncé une réduction de 40 %. Nous avions l’impression d’être plus touchés que d’autres, d’où la réaction, et en même temps le sentiment qu’on ne nous expliquait pas vraiment. Peut-être y avait-il aussi un élément idéologique dans la tête de certains dirigeants. Je ne sais pas.
Nous annoncer comme ça une réduction de 40 %… nous ne savions pas combien allait finalement rester, puisqu’il s’agissait de négocier, mais la coupe nous paraissait considérable. La solution que nous avons trouvée montre qu’on parvient à garder une offre intéressante en matière de couverture du religieux à des coûts moins importants, sur un accord financier qui a convenu à tout le monde. Nous nous adressions à des personnes : dans la tête de chacun des décideurs, la part respective des motivations (financières, idéologiques, etc.) est difficile à déterminer.
Michel Kocher - Ma lecture de cette crise s’appuie sur les processus de négociation que nous avons eu avec la direction. La RTS n’est pas un bloc. C’est une institution qui représente toutes les richesses et les diversités de notre pays. Dans un domaine comme celui de la religion, difficile d’imaginer que tout le monde est d’accord sur la place à lui donner. La première décision a été principalement le fait d’un membre de la direction, qui nourrit des sentiments plutôt anticléricaux et qui a sans doute proposé et défendu cette décision sur ce fond-là. Il ne m’appartient pas de juger dans quelle mesure cela était partagé par les autres membres de la direction.
En tout cas, la plupart des gens de programmes n’en étaient pas informés. La décision n’avait fait l’objet d’aucune consultation à l’interne. Je l’ai critiqué publiquement et je le redis. Il me paraît irréaliste qu’un ou deux membres de la direction puissent prendre une décision pareille sans concertation.
Jean-François Mayer — Si nous résumons les changements, ils ont largement été couverts par un réagencement. En termes réels de budget, au lieu des 40 %, à combien s’élève la coupe finale ?
Bernard Litzler — Nous avons chiffré la perte à environ 70 000 francs du côté de chacune des institutions. En termes de postes de travail, 70 000 francs représentent un 50 à 60 %. Aussi bien du côté protestant que du côté catholique, il nous a fallu réduire en conséquence. Il y a donc réduction, et sur les 6 ou 7 collaborateurs catholiques qui représentent 450 % (4,5 EPT), nous avons dû réduire un peu. Il faut savoir que les deux directeurs sont eux-mêmes journalistes : Michel Kocher et moi avons donc joué le rôle de tampon pour différentes tâches. Nos cahiers de charges ont donc aussi subi le contrecoup de ces mesures, mais cela nous permet de conserver une certaine souplesse. Dans de petites équipes, des remplacements à faire font vite monter la pression !
Jean-François Mayer — Finalement, les responsables des émissions religieuses sont-ils satisfaits de la nouvelle convention signée, malgré les difficultés qui l’ont entourée ?
Michel Kocher — Oui. Nous sommes satisfaits. Cette convention assure un avenir dans la confiance. Quand vous avez deux partenaires, il faut une grande confiance. Cette confiance éditoriale n’a pas été entamée. Il s’agissait de décisions de niveau politique de répartition des moyens, mais le socle du partenariat, c’est-à-dire l’esprit du service public que nous portons dans le domaine religieux, continue à nous être confié, avec une vraie reconnaissance professionnelle. Et une légitimité du public.
Bernard Litzler - Nous sommes aussi satisfaits dans la mesure où, par rapport à l’ancienne convention, nous avons pu ajouter ou réinsister sur l’aspect Internet. On sait bien que la radio et la télévision traditionnelles sont aujourd’hui dépassées par le phénomène Internet. Depuis novembre 2014, nous avons un site web, rtsreligion.ch. Ce site est une porte d’entrée directe vers le secteur religieux. Pas tellement différente de la précédente rédigée en 2013, la nouvelle convention insiste clairement sur l’insertion dans le web. Cela a eu des conséquences directes sur les négociations. Par exemple, sur RTSreligion, produire quatre dossiers thématiques par année. Nous avons deux webjournalistes (même si ce sont des postes assez réduits) qui montrent notre conscience de l’importance du web dans le service public.
Jean-François Mayer — Qu’attendez-vous maintenant, au cours des prochains mois, des débats autour du service public et du mandat de la RTS ? Voyez-vous des enjeux importants à l’horizon proche et la nécessité, si ce n’est d’une mobilisation, tout au moins d’une vigilance soutenue de toutes celles et tous ceux auxquels le destin de RTSreligion tient à cœur ?
Bernard Litzler — Au moment des débats parlementaires, nous attendons que la Suisse romande défende clairement le modèle qui est le nôtre. Les journalistes ne sont pas les représentants des Églises, même si celles-ci sont impliquées. Ils sont là pour leurs compétences professionnelles et peuvent couvrir ce champ du religieux, parce que ce sont des personnes de confiance.Le débat en Suisse alémanique est un débat idéologique autour du rôle et du périmètre du service public. Il y a d’autres adversaires qui veulent prendre une part de ce marché – parce que c’est aussi un marché. En Suisse romande, le périmètre du service public est relativement large. Et la définition du service public tel que le remplit la RTS a une certaine prégnance : les audiences de la RTS, dans un contexte concurrentiel de chaînes françaises, sont encore relativement fortes, car elle répond aux attentes de son public. On ne peut que souhaiter que, dans les débats parlementaires, on n’oublie pas ces dimensions-là. Sinon, en Suisse, le service public se trouvera réduit à une portion congrue. Ce serait dommage par rapport à l’histoire du service public, mais aussi par rapport à la « suissitude », pour le dire ainsi.
Nous avons fait une étude sur la manière dont le secteur religieux est traité dans les autres télévisions européennes. Nous avons constaté avec surprise que la Suisse avait un modèle presque unique : nos collaborateurs travaillent dans les locaux du service public. Même en France, où il existe une convention assez étroite avec l’Église catholique (France 2), des émissions sont produites livrées par un studio extérieur. Nous n’avons pas ce statut-là : nous travaillons dans les locaux de la RTS, en collaboration avec le personnel RTS, ce qui fait toute la richesse de ce que nous sommes et de ce que la RTS peut recevoir de notre part. C’est un bon accord que nous avons obtenu, dans lequel tout le monde est gagnant, et nous souhaitons aussi que cela puisse être perçu en Suisse de manière générale, et par les parlementaires et par les citoyens.
Michel Kocher — Pour les auditeurs ou téléspectateurs, contributeurs par le biais de la redevance, le combat qui s’annonce est important. Il n’est pas gagné. Soutenir le service public s’impose, de mon point de vue, sans hésitation aucune. Le paysage médiatique qu’on nous dessine si l’initiative No Billag devait passer serait dramatique.
Mais, pour nourrir le débat autour du sens du service public, de la définition des moyens auxquels il a droit ou dont il a besoin, j’aurais une position plus nuancée. À l’heure actuelle, pour plusieurs raisons, la SSR doit repenser la corrélation faite entre audience et légitimité. Je travaille au sein de la RTS depuis trente ans. On m’y a toujours dit que le service public avait droit à la redevance parce qu’il avait la meilleure audience. Je pense qu’il n’est plus raisonnable de tenir ce discours de façon globale pour toutes les activités du service public. Celui-ci doit redéfinir son périmètre. Dans quels domaines veut-il avoir les meilleures audiences ? C’est la grande question. S’il souhaite avoir les meilleures audiences dans les domaines culturel, politique ou d’information, cette aspiration me paraît légitime, parce que cela soutient la cohésion nationale. S’il souhaite avoir les meilleures audiences dans le sport ou le divertissement sauce Hollywood, cela me paraît beaucoup plus discutable. Je pense que le service public n’a pas, jusqu’à présent, donné des signes clairs qu’il était prêt à faire ce choix. Et cela me préoccupe beaucoup.
La semaine de RTSreligion aujourd’hui :
« Babel » : Espace 2, dim, 11h00
« Hautes fréquences » La Première, dim, 19h00
« Chronique de RTSreligion » La Première, lun-ven, 6h28
« Messe » Espace 2, dim, 9h00
« Culte » Espace 2, dim, 10h00
« Faut pas croire » RTSUn, sam, 13h20 – RTSDeux, dim 18h25, mar 10h55, ven 15h05
[…] La version complète de l’entretien est accessible en ligne pour ceux qui le désirent à l’URL : https://www.orbis.info/2017/03/rtsreligion-le-point-sur-la-situation/ […]