Après la tentative d’assassinat qui a failli lui coûter la vie le 13 juillet 2024, l’aura autour de la figure de Donald Trump s’est encore renforcée parmi ses partisans, mêlant le thème du martyr et celui du héros. En discutant avec des admirateurs de ce personnage ou en lisant leurs textes, il ne faut pas longtemps pour constater quel rôle exceptionnel lui est assigné comme antagoniste du Deep State, appelé à restaurer la grandeur de l’Amérique et à nettoyer les écuries d’Augias politiciennes face aux séides de cet « État profond ». Bien que familier avec ces thèses, j’ai quand même été intrigué en découvrant qu’a été publié cette année en anglais (et déjà traduit en espagnol) un livre intitulé Esoteric Trumpism. Donald Trump comme figure ésotérique, vraiment ? Curieux d’en savoir plus, j’ai commandé ce volume.
Complotisme : comment parler de croyances non conformistes ? Réflexions sur une enquête de Heidi.news
Au fil de décennies de recherches, j’ai rencontré des croyances étonnantes par rapport à celles qui me sont familières. Et les croyances peuvent avoir des conséquences pratiques, dans la vie des personnes qui les embrassent, de leur entourage ou de la société. La question est de savoir comment les traiter, en sachant qu’elles sont portées et promues par des êtres humains. Le défi est d’essayer de comprendre leur généalogie et leur rôle social, avec respect pour les interlocuteurs, avec neutralité — sans pour autant se sentir obligé de tomber dans le relativisme et sans renoncer à convictions.
Cette question s’est à nouveau posée à moi en lisant une enquête journalistique en cours de publication sur le site Heidi.news à propos de la « complosphère » en Suisse. Je n’ai pas l’habitude de prendre ma plume pour commenter ou évaluer chaque article que je lis : je le fais pour saisir l’occasion fournie par un article de presse comme support d’une réflexion plus ample sur les questions soulevées. Je partagerai quelques observations sur l’approche de cette série en élargissant la perspective au-delà du cas particulier.
J’ai d’abord voulu intituler ce texte « Comment parler de croyances déviantes ? ». L’expression est utilisée dans le discours scientifique. Cependant, s’il est vrai qu’elles sont déviantes par rapport à la perception majoritaire et qu’elles sortent des normes communément acceptées, le mot peut connoter un caractère anormal ou asocial : pour cette raison, j’ai préféré adopter un adjectif neutre et n’impliquant aucune intention dévalorisante dans ce texte destiné à un public plus large.