Pour le chrétien conservateur qui jette un regard sur l’histoire des deux derniers siècles, le sens général des événement, sur une durée longue, semble aller dans une direction symétriquement opposée aux orientations auxquelles il se sent attaché.
Livre : fascistes, nationaux-socialistes et nationalistes-révolutionnaires face à l’islam et aux mouvements anti-impérialistes – un « autre tiers-mondisme » ?
À première vue, pas grand monde n’imaginerait que des théoriciens ou militants naviguant dans les cercles des droites radicales européennes se retrouvent fascinés par des mouvements politiques du tiers-monde ou attirés par l’islam. Mais, bien sûr, ces milieux ne sont pas hermétiques aux thèmes et modes de leur époque ni imperméables à des combinaisons idéologiques inattendues — sans parler des considérations stratégiques. Publié l’an dernier, un livre apporte un éclairage à la fois documenté et critique, puisque son auteur n’avait pas été insensible à ces approches et dit aujourd’hui son désaccord fondamental avec celles-ci.
Maison d’édition aux orientations politiques assumées, notamment par l’accueil d’ouvrages et revues révisionnistes, les Éditions Akribeia publient des livres à la présentation et à la typographie soignées, ce qui est loin d’être le cas de tous les éditeurs de ce milieu politique. Elles proposent aussi dans leur catalogue des ouvrages originaux, comme la volumineuse étude de Philippe Baillet qui retiendra ici mon attention. Elle est intitulée L’Autre Tiers-mondisme : des origines à l’islamisme radical. Après ce titre qui intrigue sans dévoiler vraiment de quoi il s’agit, un sous-titre le précise : Fascistes, nationaux-socialistes et nationalistes-révolutionnaires entre « défense de la race » et « solidarité anti-impérialiste ».
États-Unis : l’«option Benoît » — des chrétiens conservateurs américains s’interrogent sur les formes de résistance et sur l’activisme politique dans une société sécularisée
Tirant le bilan des efforts politiques menés par des milieux de la “droite chrétienne” américaine depuis les années 1990, des intellectuels chrétiens conservateurs concluent que les tentatives de reconquête des institutions par la voie électorale n’ont pas abouti aux résultats attendus et constatent qu’ils se trouvent aujourd’hui en minorité dans la société américaine, dont la culture s’éloigne toujours plus de leurs principes. L’acceptation croissante des unions homosexuelles leur semble apporter la confirmation de cette situation. Ces auteurs proposent donc une redéfinition des priorités et l’établissement de pôles solides de contre-culture chrétienne pour assurer la survie et la transmission des valeurs qu’ils défendent face au rouleau compresseur séculier. C’est ce que l’un d’eux a baptisé la Benedict Option : cette « option Benoît » fait référence à saint Benoît de Nursie, mort au milieu du VIème siècle, qui exerça une profonde influence sur le monachisme occidental.

Mort dans la cathédrale : le choix de Dominique Venner
Le monument est célèbre, visité quotidiennement par des foules. Et pourtant, il paraît qu’un tel acte ne s’y était encore jamais produit : le mardi 21 mai 2013, aux alentours de 16h, dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, un essayiste et historien de droite français, Dominique Venner (né en 1935), s’est donné la mort en se tirant une balle de pistolet dans la bouche. Juste avant de mettre un terme à sa vie, il avait déposé sur l’autel un texte explicatif, également adressé à plusieurs correspondants. Une messe de réparation a été célébrée le soir même, comme il est d’usage dans de telles circonstances.
Quelques heures plus tôt, Venner avait publié sur son blog un article dans lequel il évoquait son opposition à la loi sur le “mariage homosexuel”, récemment adoptée par le Parlement français et promulguée le 17 mai 2013, après avoir été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Plusieurs commentaires ont suggéré que l’acte de Dominique Venner était lié à la résistance contre le “mariage pour tous”. Mais la lecture des textes laissés par le défunt révèle que son acte allait beaucoup plus loin : dénonçant l’évolution des sociétés européennes, il entendait aussi réveiller les consciences face aux dangers menaçant l’Europe, selon lui, notamment l’immigration et l’islamisation. Le geste de Venner, dans la période de l’histoire où se trouve l’Europe, se veut porteur d’un message qui dépasse un destin individuel : c’est une bonne raison de nous y intéresser de plus près. Mais commençons par un bref rappel de la biographie de Venner. (En annexe, nous reproduisons la déclaration de Dominique Venner, intitulée “Les raisons d’une mort volontaire”.)
Lectures de droite : autour d’un livre de Philippe Baillet
“Portraits fidèles et lectures sans entraves”: le sous-titre de l’ouvrage décrit le propos de Philippe Baillet, qui a rassemblé en un volume des articles parus, pour la plupart, dans des magazines ou revues. Plusieurs de ces articles sont des portraits d’auteurs “de droite” ou des réflexions sur leur apport. Le livre s’affiche comme engagé : “L’érudition et la rigueur dans l’étude des sources sont ici une arme au service d’une conception intégrale de la culture” (p. 12), pour se “préparer au combat, non au débat” (p. 13).
Je connais de longue date son auteur. Je sais tant ses convictions fortes que sa curiosité intellectuelle. Bien qu’étranger au système universitaire (et au “système” en général), car “inadapté profond à la modernité, qu’il exècre”, mais ayant “pourtant miraculeusement survécu”, nous avertit la quatrième page de couverture, il connaît les méthodes et suit les règles de l’analyse de textes et d’idées. Son style est clair et précis : il le met également au service de ses activités de traducteur à partir de l’italien. Ce livre m’a donc intrigué. Paru il y a deux ans déjà, son contenu n’est pas lié à l’actualité immédiate : il n’est pas trop tard pour en parler et évoquer fugacement des milieux intellectuels de droite.