Au fil de décennies de recherches, j’ai rencontré des croyances étonnantes par rapport à celles qui me sont familières. Et les croyances peuvent avoir des conséquences pratiques, dans la vie des personnes qui les embrassent, de leur entourage ou de la société. La question est de savoir comment les traiter, en sachant qu’elles sont portées et promues par des êtres humains. Le défi est d’essayer de comprendre leur généalogie et leur rôle social, avec respect pour les interlocuteurs, avec neutralité — sans pour autant se sentir obligé de tomber dans le relativisme et sans renoncer à convictions.
Cette question s’est à nouveau posée à moi en lisant une enquête journalistique en cours de publication sur le site Heidi.news à propos de la « complosphère » en Suisse. Je n’ai pas l’habitude de prendre ma plume pour commenter ou évaluer chaque article que je lis : je le fais pour saisir l’occasion fournie par un article de presse comme support d’une réflexion plus ample sur les questions soulevées. Je partagerai quelques observations sur l’approche de cette série en élargissant la perspective au-delà du cas particulier.
J’ai d’abord voulu intituler ce texte « Comment parler de croyances déviantes ? ». L’expression est utilisée dans le discours scientifique. Cependant, s’il est vrai qu’elles sont déviantes par rapport à la perception majoritaire et qu’elles sortent des normes communément acceptées, le mot peut connoter un caractère anormal ou asocial : pour cette raison, j’ai préféré adopter un adjectif neutre et n’impliquant aucune intention dévalorisante dans ce texte destiné à un public plus large.