Il existe une production considérable de textes en plusieurs langues autour de sujets distincts, mais liés, que sont le véganisme et l’antispécisme. Libération animale et « droits des animaux » sont devenus des sujets largement débattus, également dans les grands médias. Des mouvements activistes ont réussi à les imposer dans la discussion publique, notamment à travers des vidéos montrant des pratiques scandaleuses dans des abattoirs. Cela fait longtemps que des associations luttent notamment contre la vivisection, de même que le végétarisme a de longue date des adeptes convaincus : pourtant, ce qui est en train de se passer exerce un impact plus large et représente potentiellement une remise en cause d’une nature plus profonde, au-delà du statut des animaux.
Le véganisme analysé comme « religion de substitution »
Le végétarisme et les autres pratiques alimentaires n’ont jamais été du nombre de mes terrains de recherche. L’observation des courants spirituels contemporains ne peut cependant manquer d’y prêter attention : il n’est pas rare que la pratique du végétarisme accompagne une démarche spirituelle, même si d’autres considérations peuvent aussi y conduire. Dans un volume introductif que j’avais eu le plaisir d’accueillir, en 1989, dans une collection de poche que je dirigeais alors, Laurence Ossipow observait que « la pratique du végétarisme semble aussi bien liée à une perception critique de la société et à un questionnement d’ordre philosophique ou spirituel, qu’à une crise générale des valeurs alimentaires » (Le Végétarisme : vers un autre art de vivre ?, Paris, Éd. du Cerf, 1989, p. 177). Parmi les courants du végétarisme actuellement en développement, le véganisme a retenu l’attention critique d’un théologien protestant allemand, Kai Funkschmidt : il voit dans les courants les plus radicaux du véganisme — tel qu’il l’observe en Allemagne – une « religion de substitution » (Ersatzreligion).