Il est mort le matin de Pâques. Devant sa dépouille, des foules sont venues se recueillir ainsi que la plupart des grandes figures politiques indiennes, tous partis confondus. Sathya Sai Baba était peut-être le gourou indien contemporain le plus influent. Plus qu’un gourou, à vrai dire, aux yeux de ses disciples : rien moins qu’une incarnation divine. Mais « il a décidé de baisser le rideau sur cette incarnation », commentait l’un des médias en ligne consacrés à son message.
Genève : ma visite au Salon du livre 2011
Cette semaine, je suis retourné au Salon international du livre et de la presse de Genève, dont c’était la 25e édition. J’hésite toujours avant de visiter un tel salon : je me promets de ne rien acheter… ou presque… mais je finis toujours par céder (un peu!) à la tentation et à charger un peu plus les rayons déjà bien remplis de ma bibliothèque ! Certes, l’abondance des ouvrages, d’un stand à l’autre, peut aussi exercer un effet modérateur, nous rappelant que l’on ne saurait tout lire, même dans ses domaines de prédilection.…
J’ai pris du plaisir à cette visite : même si le salon a enregistré moins de visiteurs que les années précédentes, paraît-il, je l’ai trouvé mieux centré sur le livre que certaines années précédentes. En y allant, le 3 mai, mon intention n’était pas d’en tirer un billet. A mon retour, cependant, il m’a semblé que quelques observations pourraient intéresser des lecteurs. Je les partage donc, en vrac. En commençant par un coup de cœur pour un éditeur, et une “mention spéciale” pour un autre.
Catholicisme français : nouvelles modes, nouveaux styles…
La semaine dernière, j’ai eu connaissance de deux initiatives venant de catholiques français et utilisant Internet comme support. Tout d’abord, sur le compte Twitter de Religioscope, j’ai reçu une invitation à suivre les tweets de “Bondieuseries jolies”, relais d’un magasin en ligne dont l’activité est ainsi résumée : “Les créations Sur la terre comme Ô ciel ont une vocation : enchanter la vie avec sens et fantaisie. Elles parlent de foi avec sobriété et ravissent les divines.” Le jour précédent, dans un message envoyé par le formulaire de contact du site Religioscope, un correspondant m’annonçait : “Je vous présente le premier videoclip catholique, Veni Creator!” Et m’invitait à visiter une page pour plus d’informations sur le CD de chant grégorien que ce videoclip voudrait promouvoir.
Je m’intéresse depuis assez longtemps à Internet pour ne pas m’étonner de telles initiatives. Dans les deux cas, en revanche, ce qui m’a intrigué était le style et/ou le vocabulaire sur lesquels s’appuient ces efforts de communication. Aurais-je été inattentif à des évolutions récentes ? Ou ces cas nous révèlent-ils de nouveaux styles d’expression de catholiques français se moulant sur leur environnement culturel ? Deux exemples anecdotiques n’autorisent certes pas à conclure : pourquoi pas, en revanche, saisir l’occasion pour partager quelques observations ?
Migrations et conversions religieuses
Volontaire ou forcée, une migration vers une nouvelle terre peut conduire un croyant à s’accrocher d’autant plus à sa foi ; mais l’expérience de la migration provoque chez d’autres une remise en question ou ouvre la porte à la réorientation vers des croyances nouvelles.
En 2010, j’avais dirigé un numéro du Refugee Survey Quarterly sur le thème “Réfugiés et religion”. Celui-ci contenait notamment un article du Professeur Louis Jacques Dorais (Université Laval, Québec) à propos de la religion chez les réfugiés vietnamiens, à partir d’enquêtes menées par l’auteur au Québec. De 1975 à 2005, en effet, pas moins de 1,5 million de personnes avaient quitté le Vietnam : nous gardons encore en mémoire le souvenir de ceux que l’on appelait les boat people, dans les années suivant la prise de contrôle du pays par les forces communistes.
Nombre d’exilés vietnamiens interrogés par Dorais expliquaient que la religion avait été pour eux une source de réconfort durant leurs épreuves : celles-ci avaient donc plutôt renforcé leur foi. Nombreux étaient ceux qui attribuaient à une intervention directe venue d’en haut d’avoir échappé à tous les périls pour trouver une vie meilleure : plusieurs évoquaient des faits surnaturels durant leur exode, par exemple.Mais certains avaient aussi connu à ce moment des expériences de conversion. Dans des directions opposées, d’ailleurs : tel catholique, après une manifestation du “Seigneur de la Mer de Chine” durant la navigation, s’était converti au bouddhisme ; à l’inverse, une famille bouddhiste était devenue catholique après avoir été sauvée par la Sainte Vierge.
“Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre”: mouvements et espérances millénaristes
L’éditeur Berg International a pris l’heureuse initiative de rééditer récemment un ouvrage épuisé depuis des années : un livre rédigé par le sociologue Henri Desroche (1914–1994), Dieux d’hommes : dictionnaire des messianismes et millénarismes du 1er siècle à nos jours. Après une stimulante introduction sur les millénarismes, le volume fait défiler devant nous une étonnante galerie de portraits – des figures de prophètes souvent oubliés, des livres que personne n’ouvre plus mais qui ont eu des lecteurs enfiévrés, des périodiques qui ont prêché l’irruption prochaine de grands bouleversements, des groupes qui ont cru devoir alerter leurs contemporains de l’imminence d’un temps de troubles préludant à une ère messianique. Mais ceux, aussi, qui ont tenté de combattre la séduction de telles espérances. Il suffit de feuilleter ce volume pour se rendre compte que les attentes millénaristes ont constamment accompagné le christianisme, et que l’époque contemporaine n’est assurément pas la moins bien servie en la matière. Je me propose de rédiger prochainement un compte rendu de cet ouvrage sur le site Religioscope.
Pour la plupart d’entre nous, évoquer les millénarismes fait vraisemblablement surgir soit des réminiscences d’histoire médiévale, soit certains groupes religieux de notre époque, tels que les Témoins de Jéhovah, dont la prédication place ce thème au centre même du message. “La fin est-elle proche?”, titrait en août 2010 leur magazine La Tour de Garde, sur fond d’une photographie du globe terrestre frappée de plusieurs côtés depuis le ciel par des boules de feu.
Si ces scénarios fascinent, il ne faut bien sûr pas les réduire à quelque goût morbide des catastrophes ou au goût des frissons. Leur attrait s’explique par la promesse d’autre chose qui les accompagne. Et aussi parce qu’ils permettent d’entrevoir une réponse à toutes les incertitudes accompagnant la précarité des société humaines –quelles que soient les percées de la science ou de la technique, qui engendrent d’ailleurs de nouvelles craintes.
Le croyant millénariste se sent dans une position privilégiée, puisqu’il lui est donné de comprendre où va le monde, les présentes incertitudes n’étant finalement que des péripéties dans un scénario écrit d’avance et dont l’aboutissement est connu, débouchant finalement sur la sortie de l’histoire telle que nous la connaissons.
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