Depuis des années, la place manque sur les rayons de ma bibliothèque. Les doubles rangées se multiplient — calamité pour retrouver un ouvrage, mais comment faire autrement ? — et des piles de livres s’accumulent dans des coins, faute d’espaces encore libres. Afin de libérer une case pour un gros volume d’encyclopédie, je me suis aujourd’hui résolu à jeter l’édition 1999 de l’annuaire téléphonique de New Delhi : 3,5 centimètres de large, 27,5 centimètres de haut, tout espace gagné est une petite victoire. Mais comment s’est-il retrouvé dans mon bureau, et pourquoi l’avoir conservé durant si longtemps, alors que son contenu avait perdu depuis belle lurette toute utilité ?
Nation, religion, race, civilisation : les identités ultimes
Il y a une vingtaine d’années, pendant les combats qui opposaient alors Croates et Musulmans à Mostar, en Bosnie-Herzégovine, un officier croate avait confié à Joseph Nye : « Avant la guerre, je ne pouvais pas distinguer au premier coup d’œil qui était un Musulman, mais maintenant, avec les uniformes, c’est facile. » (« Conflicts after the Cold War », Washington Quarterly 19/1, hiver 1996, pp. 5–24). Depuis les guerres de Yougoslavie, je me suis plus d’une fois demandé ce qui détermine nos identités quand nous nous trouvons sommés de choisir notre camp ? Est-ce la langue, est-ce l’appartenance ethnique, est-ce l’orientation politique, est-ce la religion, est-ce un mélange de plusieurs facteurs ? Face à un conflit opposant notre pays à un autre, le choix trouve une solution aisée en suivant l’adage : My country, right or wrong ! Mais si la ligne de fracture se situe ailleurs, quelles considérations déterminent-elles finalement notre choix ? Quel est le dénominateur commun ultime qui nous semble imposer une direction ou un autre ? Une question inépuisable et sans solution, mais sur laquelle quelques lectures récentes m’incitent à esquisser de brèves observations.
RTSreligion : le point sur la situation
En novembre 2015, l’annonce par la Radio-Télévision Suisse (RTS) des drastiques coupures (40 %) dans le budget des émissions religieuses, coproduites en partenariat avec les Églises catholique et réformée, causa un choc dans différents milieux en Suisse romande. Elle entraîna une forte mobilisation d’auditeurs et téléspectateurs non seulement chrétiens, mais également agnostiques ou membres d’autres confessions religieuses. En effet, RTSreligion propose une information et des analyses de qualité sur les questions religieuses en général. Une pétition recueillit plus de 25 000 signatures en quelques semaines et fut remise aux représentants de la RTS au mois de janvier 2016. En juin, après plusieurs mois de négociations, un accord fut conclu avec la direction de la RTS.
Comme le savent les lecteurs fidèles de ce site, je me suis engagé dès novembre 2015 au sein d’un comité de soutien à ces émissions en péril. En ces premiers mois de l’année 2017, plus d’un an après cette mobilisation et l’écho médiatique qu’elle suscita, il m’a semblé opportun de proposer une analyse rétrospective et un point de situation, en interrogeant Michel Kocher (directeur de Médias-pro) et Bernard Litzler (directeur de Cath-Info), qui ont été concernés au premier chef par cette crise et ont participé aux négociations avec la direction de la RTS. Une fois n’est pas coutume : ce n’est donc pas un texte dont je suis l’auteur, mais un entretien que je vous invite à lire ici.
Les États européens et les “sectes”
Alors que je viens de mettre en ligne, sur la section anglaise du site Religioscope (qui vient de passer à une nouvelle présentation), un assez long article en anglais, intitulé « A brief overview of the attitudes of Western European states towards new religious movements » (texte également disponible au format PDF, pour les lecteurs qui désirent l’imprimer ou le conserver sous forme électronique), il m’a semblé opportun de publier simultanément le texte de l’intervention que j’avais été invité à présenter à l’Académie des sciences morales et politiques lors de sa séance du 11 mai 2015 (avec de mineures adaptations). S’il y a plusieurs recoupements avec le plus long article en anglais, ce texte n’est pas identique — et il pourra intéresser des lecteurs qui préfèrent lire un article en français. L’approche de cet article se limite aux États de l’Europe occidentale.
Pluralisme religieux, liberté religieuse et tensions : pour une approche pragmatique
Comment aborder la question du pluralisme religieux sans intimer aux groupes religieux l’obligation d’embrasser celui-ci comme un idéal ? Peut-être d’abord en partant modestement de l’analyse des réalités de nos sociétés plutôt que de l’affirmation de grands principes. Le 8 octobre 2016, l’Église adventiste du septième jour m’avait invité à présenter des réflexions sur le pluralisme religieux lors d’une réunion à Gland, à l’occasion de la Journée de la liberté religieuse. Le thème avait été choisi par les organisateurs : « Le pluralisme religieux, danger ou richesse ? Les facteurs du changement dans la perspective du pluralisme religieux en Suisse ». Ce n’est pas un sujet que je me serais risqué à choisir : mais j’ai accueilli cette demande comme une invitation à réfléchir, en essayant d’éviter les slogans ou les prises de position tranchées. Le texte proposé ici est une version adaptée et légèrement abrégée de ma conférence. Il ne s’agit pas d’un article destiné à une revue universitaire, mais de quelques pistes esquissées pour un public plus large. Outre mes observations personnelles sur ces terrains, cet article est redevable à des lectures qui ont nourri ma réflexion : ces auteurs et références sont cités dans le texte et dans les notes.
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